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Déclaration des représentants de la société civile au Conseil d’administration international de l’ITIE : Plainte de Publiez Ce Que Vous Payez – États-Unis

En tant que représentants de la société civile au sein du Conseil d’administration international de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), nous sommes profondément déçus qu’aucun consensus n’ait été atteint lors de notre réunion du Conseil d’administration du 30 juin, à propos de la résiliation de l’adhésion d’un membre suppléant du Conseil d’administration de l’ITIE. Ce dernier représente Exxon dans cette instance et a fait l’objet d’une plainte déposée en février par Publiez Ce Que Vous Payez — États-Unis (PCQVP-USA). L’ITIE est une plateforme multipartite où les gouvernements, les entreprises et la société civile peuvent faire entendre leur voix. Ainsi, nous souhaitons faire connaître notre position, car les préoccupations sous-jacentes à la plainte — et le manque d’action urgente et concrète du Conseil d’administration pour y répondre — ont soulevé de sérieuses questions de la part des parties prenantes sur l’intégrité et la crédibilité de l’ITIE en tant qu’initiative mondiale de transparence et de bonne gouvernance. La plainte se rapporte à un type de comportement qui dure depuis plus de dix ans et qui nuit aux objectifs de l’ITIE.

Ce schéma de comportement d’un groupe d’entreprises de taille limitée, mais influent, au sein du Conseil d’administration de l’ITIE, se caractérise par deux éléments essentiels :

  • le « blanchiment » de réputation : les majors pétrolières américaines ont bénéficié des avantages, en termes de réputation, d’être associées à l’ITIE en tant qu’initiative de transparence, tout en faisant simultanément pression en coulisse pour bloquer et affaiblir les réglementations qui imposeraient une telle transparence. La plainte discutée par le Conseil d’administration le 30 juin faisait état de documents publics très préoccupants, montrant que le membre du Conseil d’administration de l’ITIE concerné, un conseiller du bureau d’Exxon à Washington DC, a participé à au moins quatre réunions avec la Securities and Exchange Commission (SEC) américaine à propos de la proposition de troisième règle pour la section 1504 de la loi Dodd-Frank. Chacune de ces réunions s’est déroulée aux côtés de l’American Petroleum Institute (API), qui a plaidé pour que la règle de la SEC ne s’aligne pas sur la Norme ITIE exigeant des entreprises qu’elles fournissent des rapports détaillés par projet. Dans au moins un procès-verbal de réunion, ce membre du Conseil d’administration de l’ITIE est cité comme étant l’un des « représentants de l’American Petroleum Institute ». Ces faits font échos de manière alarmante aux comportements de l’entreprise révélés par Greenpeace dans une enquête publiée quelques heures seulement après la fin de la réunion du Conseil d’administration de l’ITIE du 30 juin. L’enquête détaille la tactique d’Exxon consistant à épouser publiquement le soutien à la transparence et aux politiques respectueuses de l’environnement, tout en se cachant sous le « parapluie de l’API » comme couverture pour travailler contre les lois qui feraient avancer ces objectifs. Nous sommes très préoccupés par le fait le Conseil d’administration ne soit pas parvenu à un consensus, qui aurait pourtant permis de condamner des faits similaires qui ont nui à la mission de l’ITIE d’accroître la transparence dans le secteur extractif, et de réellement demander des comptes aux responsables ;

  • la non-conformité aux normes de rapportage de l’ITIE : l’ITIE a défini huit attentes que doivent remplir les entreprises soutenant l’ITIE. Une évaluation récente du Secrétariat international de l’ITIE a révélé que « 30 % du nombre d’entreprises soutenant l’ITIE ne divulguent pas ces informations pour les pays non membres où elles opèrent autrement qu’à un niveau agrégé, et elles n’expliquent pas pourquoi dans ces cas les divulgations ne sont pas faites par pays et par projet ». Aux États-Unis, les rapports rendus publics par les entreprises Chevron et Exxon ne divulguent pas les informations requises sur les taxes et les paiements, et n’expliquent pas pourquoi elles ne le font pas. Non seulement cela viole les attentes sur le compte des entreprises soutenant l’ITIE, mais c’est aussi particulièrement troublant, car les deux entreprises sont représentées au Conseil d’administration de l’ITIE. Une plainte a été déposée en 2018 en rapport avec ces circonstances. La réponse à cette plainte du Président de l’ITIE de l’époque souligne que : « [d]e mars 2014 à novembre 2017, les États-Unis ont mis en œuvre l’ITIE. Un certain nombre d’entreprises américaines ont refusé de se soumettre à la déclaration, en vertu des procédures élaborées par l’ITIE États-Unis, y compris plusieurs entreprises soutenant l’ITIE (Chevron, ConocoPhillips, ExxonMobil, Hess et Noble Energy). Bien qu’il ne soit pas rare que les entreprises ne respectent pas parfois les dates d’échéance de déclaration, le fait que des entreprises soutenant l’ITIE aient délibérément décidé de ne pas se soumettre à la déclaration est sans précédent. Que des partenaires soutenant l’ITIE, en tant que groupe, entravent la mise en œuvre de l’ITIE est un fait grave ». Ce travail de sape de la mise en œuvre de l'ITIE doit cesser. Les 70% d'entreprises soutenant l'initiative qui divulguent leurs taxes et paiements conformément à la Norme montrent que cette transparence est possible.

Lors de notre réunion extraordinaire du 30 juin, nous nous sommes positionnés contre ce type de comportement, qui viole les responsabilités des membres du Conseil d’administration d’agir « dans les meilleurs intérêts de l’ITIE » (comme l’exige l’article 12.1 des statuts de l’ITIE) et de faire « des Exigences de l’ITIE, la norme reconnue au niveau international en matière de transparence dans le secteur du pétrole, du gaz et des mines » (comme l’exige l’article 2.2 des statuts de l’ITIE). Ainsi, nous avons estimé que la résiliation de l’adhésion à l’Association ITIE (et par conséquent de l’adhésion au Conseil d’administration de l’ITIE) était justifiée sur la base de l’article 5.5 (i) des statuts de l’ITIE, qui stipule que : « Le Conseil d’administration de l’ITIE peut résilier l’adhésion de tout membre de l’Association ITIE si [l]e membre, le pays ou une autre entité représentée par le membre enfreint les statuts de l’Association ».

Ces comportements néfastes durent depuis trop longtemps, et une autre déclaration indiquant une déception ne suffira pas. L’incapacité à obliger les entreprises membres du Conseil d’administration à rendre des comptes lorsqu’elles sapent la mission de l’ITIE et refusent de faire des déclarations selon les normes de base de l’ITIE est grandement préjudiciable à la crédibilité de l’initiative. Elle porte atteinte à la confiance nécessaire à son fonctionnement, et des efforts substantiels devront être déployés pour y remédier. La mission de l’ITIE est d’établir la transparence et la redevabilité dans le secteur extractif, mais l’absence d’action concrète dans cette affaire démontre un manque inquiétant de consensus au sein du Conseil d’administration en ce qui concerne les principes fondamentaux de l’ITIE. Nous estimons qu’il est urgent que le Conseil d’administration de l'ITIE redouble d'efforts pour être à la hauteur de ces principes.

Après avoir consacré des années de travail individuel et institutionnel à l’avancement de l’ITIE, nous restons profondément engagés à en assurer l’intégrité et la pertinence continue. Avec cet objectif à l’esprit, nous dressons maintenant la liste des éléments-clés suivants qui, selon nous, doivent être mis en œuvre de toute urgence afin de commencer à garantir la redevabilité pour les échecs significatifs de certaines entreprises censées « soutenir », mais qui ne parviennent pas à réellement répondre aux attentes de l’ITIE :

  • en tant qu’initiative de transparence, l’ITIE doit être elle-même transparente. Nous réitérons notre demande, formulée lors de la réunion du Conseil d’administration des 9 et 10 juin, que l’évaluation réalisée par le Secrétariat de l’ITIE sur la conformité de chaque entreprise soutenant l’ITIE par rapport aux attentes de l’initiative soit rendue publique immédiatement. La non-divulgation de ces informations désagrégées est incompatible avec ce que représente l’ITIE. Nous recommandons également que les documents relatifs à la plainte de PCQVP-USA, y compris les réponses et les conseils juridiques connexes, soient rendus publics. Des documents similaires sont disponibles publiquement concernant la plainte de 2018 sur des sujets liés. Bien que nous soyons conscients que des sensibilités existent, étant donné que la plainte récente implique un individu, notre compréhension de conseils juridiques reçus est que la divulgation publique peut avoir lieu, étant donné que des préoccupations d’intérêt public sont impliquées dans la plainte. Si ces documents ne peuvent pas être rendus publics, il devrait au moins y avoir une explication publique sur les efforts qui ont été entrepris pour les publier et sur les raisons pour lesquelles la divulgation n’a pas été possible ;

  • les attentes à l’égard des entreprises qui soutiennent l’ITIE doivent être revues et renforcées et les entreprises doivent être régulièrement évaluées par rapport à celles-ci. Les 30 % des entreprises qui n’ont pas divulgué les taxes et autres paiements doivent désormais le faire ou expliquer pourquoi elles ne le font pas, y compris dans les pays non-ITIE où elles opèrent. Cependant, pour les entreprises qui siègent au plus haut niveau de direction de l’ITIE — le Conseil d’administration international de l’ITIE — expliquer simplement leur non-divulgation ne suffira pas. Les représentants au Conseil d’administration de l’ITIE doivent eux-mêmes faire preuve d’un haut niveau de transparence, et ne pas servir simplement de plus petit dénominateur commun. Les entreprises qui refusent de divulguer les paiements de taxes par projet, conformément à l’approche standard de l’ITIE pour la déclaration par projet pour l’ensemble de leurs opérations, y compris dans les pays non-ITIE, ne devraient pas pouvoir siéger au Conseil d’administration. Si des obstacles à de telles divulgations existent, les entreprises siégeant au Conseil d’administration doivent travailler activement à leur suppression, notamment en soutenant publiquement l’opérationnalisation des lois et réglementations sur la déclaration par projet qui sont harmonisées avec la norme ITIE, et en documentant leurs efforts en ce sens ;

  • en outre, il est grand temps que l’ITIE adopte des normes de conformité pour les entreprises, avec examen, notation et sanctions. Ces dernières années, l’ITIE a concentré son énergie sur l’évaluation des niveaux de transparence des gouvernements, alors que les entreprises devraient être tenues tout autant responsables de leur transparence. Pour restaurer l’intégrité et la crédibilité de l’ITIE en tant qu’initiative mondiale de transparence et de bonne gouvernance, nous devons immédiatement travailler à l’adoption de normes plus formelles pour les entreprises.

Nous espérons que ces propositions seront examinées, adoptées et mises en œuvre de toute urgence par le Conseil d’administration afin de garantir une véritable redevabilité et de restaurer la confiance et l’adhésion aux principes fondamentaux de l’ITIE.

Rendre les entreprises responsables — un objectif central de l’ITIE depuis sa création — est une obligation fondamentale pour une initiative dont la mission est d’instaurer la transparence et la responsabilité. Il s’agit de l’unique manière selon laquelle l’ITIE pourra restaurer la confiance et garantir à nouveau sa crédibilité. Nous restons engagés à travailler pour atteindre cet objectif.

 

- Les représentants de la société civile du Conseil d’administration de l’ITIE

À la date de cette déclaration, les membres du conseil d'administration de l'ITIE représentant la société civile étaient : 

  • Mr Cesar GAMBOA, Directeur exécutif, Derecho, Ambiente y Recursos naturales, Perú
  • Mr Óscar PINEDA (Suppléant), Project on Organizing Development Education and Research (PODER), Méxique
  • Mr Brice MACKOSSO, Commission Justice et Paix, République du Congo
  • Mr Mtwalo MSONI (Suppléant), Conseiller fiscal mondial - ActionAid Nigeria
  • Mme Cielo MAGNO, Bantay Kita/PWYP Philippines; Professeur adjoint, École d’Économie de l’Université des Philippines
  • Mme Diana EL KAISSY (Suppléante), Lebanese Oil and Gas Initiative (LOGI), Liban
  • Mr Oleksiy ORLOVSKY, Fondation Renaissance internationale, Ukraine
  • Mme Mariya LOBACHEVA (Suppléante), Directrice exécutive, Echo - Association publique, Kazakhstan
  • Mme Erica WESTENBERG, Directrice des programmes de gouvernance, Natural Resource Governance Institute (NRGI)
  • Mr Simon TAYLOR (Suppléant), Cofondateur et directeur, Global Witness