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Extraire ou ne pas extraire ? Comment l’ITIE peut éclairer la prise de décision

Lyydia Kilpi, notre directrice de l’engagement de la société civile, examine la façon dont l’ITIE peut nourrir les débats concernant l’extraction des ressources naturelles.

Le site de Viiankiaapa est une zone humide protégée située dans le nord de la Finlande, mon pays d’origine. Parsemée d’étendues d’eau, de tourbières de pins et de marais de bouleaux, cette région héberge une diversité de plantes et d’oiseaux menacés. Traditionnellement, ces terres servent aussi à l’élevage des rennes par les Samis, un peuple autochtone du nord de la Scandinavie. Leur sous-sol est riche en cuivre, en nickel et en cobalt.

Extraire ou ne pas extraire ? Pour les autorités et les communautés qui vivent dans des régions riches en ressources pétrolières, gazières et minérales, cette question est absolument cruciale. Guidée par l’idée selon laquelle les ressources naturelles appartiennent aux citoyens du pays, l’ITIE ne doit pas éviter ces débats dans les régions où ils surviennent.

Des choix difficiles

Face aux coûts et aux avantages des projets extractifs, les communautés locales, les représentants de l’État et les investisseurs ont toujours des intérêts et des points de vue divergents. Les recettes publiques nécessaires au financement des écoles et des hôpitaux doivent-elles primer sur la biodiversité ou les moyens de subsistance traditionnels ? Les risques et les possibles impacts négatifs de l’extraction peuvent-ils être maîtrisés ?

La transition mondiale vers les énergies renouvelables vient relancer un dilemme déjà ancien. En Norvège, la société civile a déposé une plainte contre l’État pour avoir autorisé des explorations pétrolières dans l’Arctique. Les plaignants estimaient qu’ouvrir de nouveaux champs pétrolifères dans un contexte de crise climatique était contraire à la Constitution.

Alors que la transition énergétique prend de l’ampleur, les débats concernant les projets pétroliers et gaziers menés dans des zones inexplorées vont s’intensifier, et l’information va jouer un rôle essentiel dans la prise de décision. L’abandon progressif des combustibles fossiles va accroître la demande envers les minéraux nécessaires à la production d’une énergie propre. Des pressions vont s’exercer en faveur de l’extraction du cuivre, du nickel et du cobalt, trois types de minerais contenus dans le sous-sol du site de Viiankiaapa.

Un manque d’information à combler

Dans bon nombre de pays riches en ressources naturelles confrontés aux mêmes décisions que la Finlande, les parties prenantes rencontrent des difficultés pour accéder aux informations et participer à la prise de décision concernant la gestion du secteur extractif. Le manque de considération pour les opinions des parties prenantes peut ébranler leur confiance dans la capacité du gouvernement à gérer efficacement les industries extractives. En l’absence d’un permis social d’exploitation solide, les sociétés extractives rencontrent des difficultés pour mener à bien leur projet, même lorsque celui-ci a été approuvé par le gouvernement.

Pour favoriser un débat éclairé, les pouvoirs publics et les entreprises peuvent présenter des études sur les impacts sociaux et environnementaux, assurer la transparence du processus d’octroi des licences et publier des données sur la gestion de la transition énergétique, voire, dans certains cas, corréler ces données avec celles du projet proposé. Les autorités publiques et les entreprises peuvent aussi décrire les avantages que peuvent apporter les projets extractifs, tels que des revenus, des emplois et des paiements sociaux.

De nouveaux acteurs à inclure dans l’ITIE

Les organisations de la société civile qui participent au processus ITIE peuvent faciliter le dialogue avec les groupes qui s’opposent aux projets pétroliers, gaziers et miniers. Dans certains pays, ces groupes ont choisi de se retirer de l’ITIE car la mise en œuvre de la Norme se concentrait sur les recettes et les paiements, et ne répondait pas directement à leurs préoccupations. Pour autant, le périmètre d’application de l’ITIE peut être ajusté pour répondre aux priorités des différentes parties prenantes.

Le plan de travail annuel de l’ITIE, qui constitue un élément clé de la mise en œuvre, permet de s’assurer que les groupes multipartites nationaux traitent les questions qui comptent pour les citoyens. Son élaboration peut être une occasion de renforcer la participation dans la prise de décision et d’intégrer les besoins d’informations spécifiques, afin de mieux répondre aux questions sur l’avenir du secteur extractif.

En Finlande, le destin de Viiankiaapa reste incertain. Les tenants de la création d’une mine dans la région soutiennent que le projet peut créer des emplois, répondre à la hausse de demande envers les minerais et s’accompagner de mesures de sauvegarde environnementale. Les opposants affirment qu’une zone préservée n’a pas de prix. Dans les pays de mise en œuvre de l’ITIE, le groupe multipartite devrait offrir un espace propice pour ces discussions.

 

Crédit photo : Antti Leppänen sur Wikimedia Commons.