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Douze ans de transparence : comment progressent les pays de l’ITIE dans l’Enquête sur le budget ouvert

Les pays tributaires de leurs ressources naturelles rencontrent de nombreuses difficultés à faire respecter les principes de bonne gouvernance dans le secteur extractif, notamment du fait de la corruption et de la mauvaise gestion. Une meilleure transparence budgétaire est essentielle pour pouvoir s’attaquer à ces défis. C’est un but partagé par l’ITIE et l’IBP (International Budget Partnership – Partenariat budgétaire international).

L’ITIE tient vraiment à mesurer son impact. L’Enquête sur le budget ouvert (EBO) de l’IBP est une source de données sur les composantes clés de la responsabilisation budgétaire : la transparence budgétaire, la participation du public et le contrôle exercé par le corps législatif et les institutions d’audit indépendantes. Sur les 77 pays étudiés dans l’EBO depuis 2008, 30 sont des pays membres de l’ITIE avec des données comparables pour toutes les années au cours desquelles l’Enquête a été réalisée.

Que révèle la dernière Enquête sur le budget ouvert ?

L’examen des données récemment publiées révèle des résultats frappants. Malgré un point de départ beaucoup plus bas, le score moyen des pays mettant en œuvre l’ITIE a augmenté plus rapidement au cours des douze dernières années que celui des pays non membres de l’ITIE, pour la composante clé de la transparence budgétaire. En 2008, les pays de l’ITIE étaient à la traîne, avec un score moyen de 36 sur 100 sur l’indicateur de transparence de l’EBO. En 2019, leur score moyen a presque atteint 46, dépassant ainsi le score moyen de 44 des pays non membres de l’ITIE.

Notes : I. Le graphique montre la tendance moyenne des pays de l’ITIE par rapport à celle des pays non membres de l’ITIE sur la base des régressions statistiques effectuées par l’ITIE et l’IBP. Les résultats sont statistiquement significatifs. II. Quarante-et-un des 53 pays de l’ITIE sont évalués dans l’Enquête sur le budget ouvert 2019. Seuls 30 de ces 41 pays offrent des résultats comparables depuis 2008. Les onze pays de l’ITIE restants qui n’étaient pas comparables dans le temps ont été exclus de cette série temporelle (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Irak, Madagascar, Mozambique, Myanmar, Sierra Leone, Tadjikistan, Tchad, Timor-Leste et Zambie).

En réalité, les pays mettant en œuvre l’ITIE sont à la base de l’amélioration du score global de la transparence budgétaire pour les 77 pays évalués par l’Enquête. Le groupe des pays de l’ITIE a démontré des améliorations continues de près de deux points à chaque édition de l’EBO, alors que les autres pays étudiés ont connu des scores stables ou décroissants.

Les données correspondantes des séries temporelles pour les composantes « participation du public » et « contrôle » ne sont pas encore disponibles. Mais une comparaison des résultats de 2019 montre un score moyen légèrement plus élevé pour les pays de l’ITIE, tant pour la participation du public au processus budgétaire que pour l’audit et le contrôle législatif. Bien que ces premiers résultats soient encourageants, nous devrons attendre les prochains cycles de l’EBO pour déterminer si la corrélation entre la mise en œuvre de l’ITIE et les scores élevés obtenus dans l’EBO se maintient.

Derrière les données

Aucun facteur n’explique à lui seul les raisons pour lesquelles les pays mettant en œuvre l’ITIE ont fait de tels progrès dans l’Enquête sur le budget ouvert et, par ailleurs, il y a des variations de performance au sein de ce groupe.

Toutefois, seize des pays mettant en œuvre l’ITIE[1] se distinguent particulièrement dans l’EBO 2019. Des tendances générales apparaissent dans leur gouvernance du secteur extractif. La République dominicaine et la Mongolie ont mis en place des portails de transparence du secteur extractif qui fournissent des divulgations supplémentaires là où il n’y en avait pas auparavant. En République kirghize et en Indonésie, de tels systèmes existaient déjà, mais ils ont été ouverts au public. L’Afghanistan et le Sénégal sont passés de registres plus manuels et sur papier à des systèmes gouvernementaux interopérables partageant les informations. Les gouvernements ouvrent déjà au public ces nouveaux systèmes, en parallèle avec la confiance grandissante dans la fiabilité des données.

L’accent mis sur une meilleure tenue des registres pour l’examen public, l’efficacité des procédures d’audit et le contrôle public pour retracer les gains provenant des revenus extractifs dans les documents budgétaires pourraient également avoir contribué aux améliorations indiquées dans les données.

Trouver des synergies

Il sera intéressant de voir comment évoluent les scores des pays de l’ITIE pour la composante « participation du public » de l’EBO. Des améliorations dans ce domaine contrebalanceraient favorablement les préoccupations concernant l’érosion de l’espace civique, notamment dans les pays mettant en œuvre l’ITIE. La participation du public au processus budgétaire est encouragée par le biais des plateformes multipartites de l’ITIE et à travers l’accent mis par l’IBP sur l’amélioration de l’accès aux informations budgétaires et la création de plateformes pour la participation et la rétroaction du public.

On observe également une complémentarité entre les mécanismes de contrôle promus par l’IBP et ceux promus par l’ITIE. L’IBP concentre son attention sur l’importance des institutions supérieures de contrôle des finances publiques (ISC), sachant que si les conclusions des audits ne sont pas suivies d’effet, elles seront d’une utilité limitée. L’ITIE a également reconnu l’importance du renforcement des mécanismes de contrôle public et collabore de plus en plus avec les ISC.

En quoi les conclusions de l’Enquête sont-elles importantes ?

Les données budgétaires ouvertes sont également importantes dans la mesure où elles influent sur les financements que les investisseurs mettront à la disposition des gouvernements et des entreprises. Cela représentera un élément crucial pour les pays tributaires de leurs ressources lorsqu’ils s’efforceront de reconstruire leur économie. Les analystes à la recherche de données pour éclairer les décisions d’investissement donnent de plus en plus la priorité aux considérations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), car ils doivent répondre à la pression du public en faveur d’investissements responsables. Les besoins des analystes ne peuvent être satisfaits que si les budgets et les données gouvernementales sont disponibles en format ouvert et si les éléments de preuve indiquant une amélioration de la transparence budgétaire par le biais de l’EBO sont facilement accessibles aux investisseurs.

La Norme ITIE et l’Enquête sur le budget ouvert produisent des scores de transparence susceptibles d’éclairer les aspects de gouvernance dans la notation souveraine, tandis que l’accent mis sur la participation du public améliore également le « permis social d’exploitation » des entreprises et des investisseurs. Ces deux points méritent davantage d’attention de la part des investisseurs.

En démontrant une amélioration constante de la transparence budgétaire dans les pays de l’ITIE, bien qu’avec des variations importantes entre les pays, les résultats de l’Enquête sur le budget ouvert offrent un certain réconfort aux partisans de la transparence dans le secteur extractif.

À la lumière de la triple crise traversée par les pays tributaires des ressources naturelles à la suite de la pandémie de Covid-19, ces résultats revêtent une importance accrue. La crise pourrait avoir des effets néfastes sur les gains durement acquis en matière de transparence –qu’attestent douze années de données de l’EBO – car les gouvernements réaffectent les ressources vers les priorités de santé publique et s’éloignent des réformes en matière de transparence du secteur extractif. Protéger ces gains et présenter les preuves des progrès réalisés dans les pays de l’ITIE pourra rallier des appuis aux réformes de gouvernance dans le secteur extractif en cette période difficile.

Les auteurs remercient Christoffer Claussen et Vivek Ramkumar pour leurs conseils et leur contribution à ce blog.

 

[1] Les seize pays sont l’Afghanistan, l’Albanie, le Cameroun, le Guatemala, le Honduras, l’Indonésie, le Kazakhstan, le Libéria, le Mexique, la Mongolie, les Philippines, la République démocratique du Congo, la République dominicaine, la République kirghize, Sao Tomé-et-Principe et le Sénégal.