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Norwegian parliament

La Norvège prend les devants en matière de transparence de la propriété effective

Le nouveau registre des bénéficiaires effectifs de la Norvège concilie transparence et confidentialité.

En octobre 2024, la Norvège a franchi une étape décisive en matière de transparence et de responsabilité des entreprises en lançant son registre des bénéficiaires effectifs. Cette initiative est d’autant plus notable que plusieurs pays européens ont restreint l’accès du public aux informations sur les bénéficiaires effectifs, invoquant des préoccupations en matière de protection de la vie privée à la suite d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne de 2022. Le registre norvégien parvient toutefois à trouver un juste équilibre entre la promotion de la redevabilité publique et la protection de la vie privée.

Promouvoir la transparence grâce à la mise en œuvre de l’ITIE

En tant que pays mettant en œuvre l’ITIE, cela fait longtemps que la Norvège donne la priorité à l’ouverture et à la redevabilité dans ses industries extractives. Le pays est largement reconnu pour sa divulgation systématique des données du secteur sur des plateformes comme norwegianpetroleum.no. Pour autant, la transparence de la propriété effective était jusque-là lacunaire, comme l’avait indiqué la Validation 2023 de la Norvège par rapport à la Norme de l’ITIE.

La mise en service du nouveau registre marque une étape importante pour combler cette lacune. Les entreprises et les organisations sont tenues de déclarer des informations détaillées sur leurs bénéficiaires effectifs, notamment le nom complet, le numéro national d’identité, la nationalité, le pays de résidence et le numéro d’organisation. Cette déclaration est obligatoire à compter du 31 juillet 2025 et des amendes sont prévues en cas de non-conformité.

Surmonter les obstacles européens en matière de transparence de la propriété effective

Le registre des bénéficiaires effectifs de la Norvège reflète les enseignements tirés des efforts européens visant à concilier transparence et vie privée. Les quatrième et cinquième directives anti-blanchiment de l’Union européenne ont fortement influencé les politiques de transparence de la Norvège en matière de propriété effective. Alors que la quatrième directive anti-blanchiment (de 2015) limitait l’accès aux personnes justifiant d’un « intérêt légitime », la cinquième (de 2018) l’a étendu pour inclure l’accès du public, renforçant ainsi l’engagement de l’UE en faveur de l’ouverture.

En réponse, la Norvège avait initialement l’intention de mettre en service son registre des bénéficiaires effectifs il y a près de deux ans. Néanmoins, l’arrêt de 2022 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a eu pour effet de restreindre l’accès du public, au motif de conflits potentiels avec le règlement général sur la protection des données (RGPD). Cet arrêt a incité la Norvège à restreindre son modèle et en limiter l’accès aux personnes justifiant d’un intérêt légitime.

Le paquet anti-blanchiment de l’UE de 2024 a fourni à la Norvège une nouvelle occasion de réévaluer ses politiques en matière de propriété effective. Reconnaissant le rôle vital de la société civile, des médias et du monde universitaire dans la promotion de la redevabilité, le ministère des Finances a classé ces groupes comme justifiant d’un intérêt légitime, leur accordant ainsi un accès au nouveau registre à des fins d’enquête et de recherche. Ce compromis s’aligne sur les cadres de l’ITIE et de l’UE qui visent à garantir la transparence tout en respectant les droits à la vie privée.

Transparence et accessibilité : une perspective régionale

Le Comité des Finances de la Norvège a souligné les avantages considérables de rendre accessibles au public les informations sur les bénéficiaires effectifs. Au-delà de la lutte contre le blanchiment de capitaux, la transparence sur les propriétaires en dernier ressort des entreprises contribue à de nombreux objectifs sociétaux :

  • Lutte contre l’évasion fiscale : les données publiques sur les bénéficiaires effectifs mettent au jour les flux financiers illicites, assurant ainsi une bonne affectation des impôts.
  • Transparence accrue en matière de propriété immobilière et de marchés publics : les divulgations relatives à la propriété réduisent les risques de conflits cachés dans les transactions de grande valeur.
  • Révélation de cas de corruption et de conflits d’intérêts : un registre ouvert permet au public d’identifier l’existence de liens entre des fonctionnaires et des entreprises privées.
  • Analyse de la dynamique du marché : les données sur la propriété effective aident les chercheurs à comprendre les structures d’entreprise, ce qui promeut une concurrence équitable.
  • Des recherches transfrontalières facilitées : les chercheurs s’appuient sur les données relatives à la propriété effective pour des études qui éclairent les politiques économiques et renforcent l’intégrité du marché.

Quatorze pays de l’UE, dont le Danemark, la France et la Lettonie, tiennent des registres ouverts des bénéficiaires effectifs. La Lettonie, par exemple, cite la sécurité nationale pour justifier le maintien de l’accès du public à son registre, tandis que le Royaume-Uni souligne les avantages de la transparence dans la stabilité économique et la prévention de la criminalité.

Prochaines étapes

Tax Justice Norway (TJN) plaide en faveur d’un registre des bénéficiaires effectifs entièrement ouvert, faisant valoir que les avantages sociétaux l’emportent sur les risques pour la vie privée. Alors que l’approche de la Norvège donne accès à des parties prenantes clés, le ministre des Finances a laissé entendre que des pistes étaient à l’étude pour élargir l’accès du public.

Pour maximiser l’impact de son registre, la Norvège doit également veiller à consolider les mécanismes de vérification de l’exactitude des données sur les bénéficiaires effectifs. Des informations fiables et de haute qualité renforcent la confiance, ce qui permet au public, aux médias et à la société civile d’en faire un usage efficace.

La Norvège a la possibilité de servir de référence mondiale en matière de transparence de la propriété effective. En élargissant l’accès aux parties prenantes légitimes, en renforçant la fiabilité des données et en continuant de concilier confidentialité et redevabilité, le registre des bénéficiaires effectifs de la Norvège pourrait inspirer d’autres pays du monde entier à faire de la transparence la clé de voûte d’une gouvernance responsable.

    Author(s)
    Mark Burnett
    Pays
    Norway
    Photo attribution
    Shutterstock