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L'ITIE ne s'arrête pas à la transparence des contrats, voilà pourquoi

La transparence des contrats est importante mais pour comprendre si les bons montants sont perçus, il faut également avoir accès aux chiffres de production et d’exportation.

Les données ITIE, combinées avec les données comptables et financières, peuvent aider les autorités fiscales et la société civile à analyser une série de risques fiscaux tout au long de la chaîne de valeur extractive. De fait les rapports ITIE ont souligné de quelle façon les données ITIE ont mené à une meilleure mobilisation nationale des ressources en améliorant la collecte fiscale par les gouvernements. Des revenus fiscaux plus importants signifient des fonds que les gouvernments peuvent allouer à des programmes sociaux pour les citoyens par exemple.

Au mois de juin, le sous-comité sur la fiscalité des industries extractives des Nations Unies a publié le manuel sur les questions liées à l’imposition des industries extractives. Le manuel affirme qu’un climat de confiance entre investisseurs, gouvernements riches en ressources et citoyens reste le premier bénéficiaire d’une transparence fiscale du secteur des ressources naturelles. Le manuel reconnait également la façon dont l’ITIE peut générer l’accès du public aux contrats du secteur entre investisseurs et gouvernements, suggérant que c’étaient les seuls éléments à divulguer pour améliorer la collecte des impôts. C’est vrai, mais seulement en partie.

Au-delà de la transparence des contrats

Le manuel des Nations Unies décrit la transparence des contrats comme « moyen d’assurer le soutien des communautés et l’accent mis sur les relations à long terme» - en particulier dans les cas où les droits sur les ressources sont alloués par le biais de négociations privées. Le manuel n’explique cependant pas comment la transparence des contrats peut être un outil pour atténuer les mauvaises pratiques dans le domaine de la fiscalité.

Le manuel recommande plutôt aux gouvernements d’élaborer des instruments fiscaux en passant par des lois plutôt que par des contrats négociés ou individuels. Ce pour plus de transparence et de responsabilité, étant que les contrats «sont plus susceptibles de rester secrets» et donc présentent un risque plus élevé de corruption. Ceci peut s’avérer judicieux mais la plupart des pays n’en utilisent pas moins des contrats.

L’accès aux clauses contractuelles est clé pour analyser une série de risques fiscaux. Dans la plupart des cas, les contrats du secteur extractif présentent précisément les clauses qui s’appliqueront à des projets pétroliers, gaziers ou miniers spécifiques, y compris des incitations fiscales. Dans d’autres cas, les législations générales sur la TVA s’appliquant aux entreprises et/ou des législations spécifiques au secteur (code minier) couvriront les régimes fiscaux du secteur extractif. Dans les deux cas, la Norme ITIE 2016 exige des pays qu’ils divulguent une description du cadre juridique et fiscal gouvernant les industries extractives et de documenter la politique du gouvernement sur les divulgations de contrats et licences pour l’exploitation et la prospection de pétrole, gaz et minerais. La divulgation des contrats elle-même est encouragée dans la Norme et plus de 800 contrats ont été publiés à ce jour dans les pays de l’ITIE.

En plus de la transparence des contrats, la Norme ITIE 2016 exige cependant à l’heure actuelle la divulgation de deux autres domaines de données essentiels aux autorités fiscales.

  1. Les valeurs et volumes de production et d’exportation: la divulgation des données de production et d’exportation est particulièrement pertinente lorsqu’il s’agit d’analyser des problématiques fiscales dans le secteur extractif. Dans de nombreux cas ces chiffres ne font pas l’objet d’un rapportage exhaustif de la part des agences gouvernementales et les chiffres ne sont pas diffusés aux autorités fiscales étant donné qu’il n’existe souvent pas de protocoles inter-agences pour l’échange d’information. L’ITIE exige à l’heure actuelle la divulgation des données de production et d’exportation (volumes et valeurs) par matière première et le cas échéant par état pour l’exercice fiscal couvert par le Rapport ITIE.

Certains Groupes mulipartites de l’ITIE ont toutefois décidé de divulguer l’information par entreprise lorsque l’information est disponible dans les bases de données du gouvernement. Les valeurs de production sont par exemple déjà désagrégées par entreprise minière dans le Rapport ITIE du Pérou pour 2015 et 2016. Le ministère péruvien des Mines et de l’Energie collecte les données sur les volumes de production par mois/matière première/entreprise. Ces données donnent ensemble la valeur de chaque tonne de cuivre vendue en 2015 et 2016 par entreprise. Cela aide les autorités fiscales à analyser si les hubs mis en place par les multinationales dans des juridictions fiscalement favorables sont réels et n’ont pas été créés dans le seul but d’influencer les quantités de cuivre, les prix et coûts de production lorsque le produit est vendu aux affiliés par la filiale minière dans la juridiction hôte.

De plus, les rapports ITIE ont contribué aux échanges de données de production de minerais entre agences (par exemple au Mozambique).

  1. Taxes et autre revenus du gouvernement: des divulgations exhaustives des revenus du gouvernement provenant du secteur extractif, accompagnées de divulgations exhaustives des cadres juridiques y compris des régimes fiscaux et des contrats, aident les gouvernements dans la gestion de leurs ressources naturelles. Cela permet par exemple aux gouvernements d’élaborer des modèles financiers et des prévisions pour des projets pétroliers, gaziers ou miniers. Ces modélisations financières peuvent être utilisées pour analyser les aspects économiques d’un projet y compris les coûts (incitations fiscales et caractère raisonnable de sa structure, par exemple), les prix et les niveaux de fiscalité dans le cadre de scénarios différents. Une fois les aspects économiques adoptés, le modèle sera également utilisé pour prévoir le niveau de fiscalité juste dans un scénario «parfait». A titre d’exemple même si la mine de cuivre de Toromocho a démarré sa production en 2015, le Rapport ITIE 2015-2016 du Pérou montre que Chinalco Peru n’a pas payé d’impôts sur les entreprises en 2015 et 2016 pour cette mine. Cette information combinée avec la lecture des conditions fiscales adoptées dans le contrat signé entre Chinalco Peru et le gouvernement péruvien ainsi que d’autres informations financières peut aider les autorités fiscales et la société civile à analyser les raisons pour lesquelles certaines compagnies minières n’ont pas acquitté d’impôts au Pérou en 2015 et 2016.

Ceci démontre qu’il existe à l’heure actuelle toute une série d’informations complémentaires publiées dans le cadre de l’ITIE et permettant aux autorités fiscales et à toutes les parties prenantes d’améliorer la collecte des impôts. Dans mon prochain billett, j’étudierai deux autres domaines pour lesquels la divulgation est encouragée par le Norme ITIE 2016, à savoir la propriété effective des entreprises et les déclarations par projet, autres domaines qui peuvent soutenir le travail des autorités fiscales.

Pour en savoir plus sur la façon dont l’ITIE soutient la mobilisation domestique des ressources, consultez notre dossier sur le sujet ici.