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Renforcer la transparence du secteur extractif à Madagascar

La divulgation d’informations relatives au secteur extractif progresse à Madagascar, mais la transparence n’est pas encore aussi systématique que possible.

À la suite de sa deuxième Validation, Madagascar a enregistré des progrès significatifs dans la mise en œuvre de la norme ITIE, avec des améliorations considérables concernant plusieurs exigences.

L’économie de Madagascar, un pays à faible revenu, dépend largement du secteur extractif. En 2018, le secteur a contribué à hauteur de 4,41 % au PIB du pays et représentait plus d’un quart des exportations totales. La mise en œuvre de l’ITIE à Madagascar a renforcé la transparence dans des domaines d’intérêt public, suite notamment à l’impact du gel décennal sur l’octroi de nouveaux permis d’exploitation minière et l’attribution des revenus miniers aux communautés locales. En vue de sa deuxième Validation, Madagascar a également fait des progrès en vue de rendre publique une première série de rapports couvrant les états financiers de ses entreprises d’État et des agences gouvernementales indépendantes telles que l’OMNIS.

Pourtant, les parties prenantes considèrent toujours que l’ITIE à Madagascar n’a pas pleinement atteint son objectif d’approfondir la compréhension du public concernant le secteur extractif, l’ITIE étant davantage envisagée comme un exercice de conformité plutôt que comme un outil pour améliorer la gouvernance des industries extractives. Pour remédier à cela, le Conseil d’administration de l’ITIE a encouragé Madagascar à effectuer des déclarations ITIE plus fréquentes et plus systématiques par le biais des systèmes du gouvernement et des entreprises. Cela permettra au Groupe multipartite de l’ITIE Madagascar de se concentrer sur l’analyse des données en vue d’informer la prise de décision et le débat public.

Les déclarations systématiques sont dans l’intérêt du gouvernement et des citoyens de Madagascar. Elles peuvent contribuer à soutenir le plan de développement national du gouvernement (Initiative Émergence Madagascar), qui vise à mobiliser les secteurs clés de l’économie en appui au développement durable et inclusif. Voici quatre questions auxquelles les déclarations systématiques peuvent aider à répondre.

Quels revenus le gouvernement peut-il espérer percevoir des entreprises extractives ?

Des données complètes, fiables et actuelles sur les paiements des entreprises extractives peuvent contribuer à éclairer les efforts du gouvernement pour améliorer la mobilisation des ressources intérieures. La loi de finances pour 2020 exige déjà que les contribuables soumettent leurs états financiers aux autorités fiscales par l’intermédiaire du nouveau portail électronique. La publication régulière de ces états financiers, qui respectent les dispositions relatives à la confidentialité des contribuables, pourrait permettre au site web du ministère des Finances et du Budget d’assurer la publication d’informations actualisées sur les finances des entreprises et les paiements effectués au gouvernement.

En outre, la divulgation systématique de ces informations pourrait aider le public à mieux comprendre la contribution de certains projets d’extraction aux recettes fiscales de l’État. La mise à disposition de données au moyen des systèmes existants, notamment au sein du ministère des Mines et des Ressources stratégiques et du cadastre minier (BCMM), pourrait permettre de renforcer la surveillance des recettes non fiscales, telles que les frais d’administration des mines.


L’ITIE Madagascar publie sur son site web les données de 2018 sur les paiements des frais d’administration minière par entreprise et par licence en format de données ouvertes.

La pandémie de Covid-19 devrait avoir un impact significatif sur l’économie nationale et les investissements étrangers à Madagascar. Face à ces défis, il sera essentiel de pouvoir estimer les recettes des industries extractives sur le long terme. La modélisation financière réalisée par l’ITIE Madagascar pourrait faciliter cet exercice, en s’appuyant sur des données telles que les paiements au gouvernement par projet et les contrats d’exploitation. Ces données pourraient également éclairer les efforts en cours pour réviser le code minier, notamment sur les questions litigieuses telles que le taux de redevance et le niveau de participation du gouvernement dans les projets d’extraction.

Le secteur des industries extractives contribue-t-il au développement local ?

Les projets d’extraction à Madagascar ont suscité l’opposition de certaines communautés rurales.  Les organisations de la société civile et les communautés touchées veulent pouvoir constater les avantages de ces projets pour la population locale et comprendre comment les impacts négatifs de l’extraction sont atténués.

Les rapports ITIE contiennent une multitude d’informations sur les dépenses sociales et les obligations environnementales des entreprises, y compris le nombre de permis environnementaux pertinents. Au cours des dix dernières années, les rapports ITIE ont également permis d’identifier certains points faibles dans le transfert des revenus miniers aux gouvernements locaux (frais d’administration des mines et ristournes) et ont contribué à clarifier l’utilisation de ces fonds au niveau local.

 

Ambatovy, une grande entreprise d’extraction de nickel et de cobalt à Madagascar, a versé 18 millions de dollars américains de recettes aux collectivités locales pour la période de 2012 à 2018.

Il est possible d’améliorer encore la ponctualité et la pertinence de ces données. La divulgation régulière des transferts infranationaux prévus et effectifs de revenus miniers par le cadastre minier pourrait aider à répondre aux fréquentes demandes d’informations à ce sujet émanant des collectivités et communautés locales. Cela pourrait libérer les capacités de l’ITIE Madagascar pour les concentrer sur le travail auprès des collectivités locales visant à documenter la manière dont ces revenus locaux sont gérés et dépensés.

Les entreprises sont également bien placées pour divulguer régulièrement leurs dépenses sociales et environnementales dans le cadre de leurs déclarations régulières, y compris la nature de ces paiements, leur valeur et l’identité des bénéficiaires. En sus de clarifier le fondement juridique des paiements des entreprises au gouvernement, la publication des contrats des industries extractives permettrait de faire la lumière sur les obligations sociales et environnementales des entreprises. C’est également une étape fondamentale du renforcement de la surveillance et du contrôle par les citoyens du respect par les entreprises de leurs obligations contractuelles.

Quelles sont les entreprises opérant à Madagascar ?

L’identité des entreprises opérant à Madagascar a fait l’objet d’un important débat public. Les rapports ITIE ont documenté l’absence de critères visant à évaluer les capacités techniques et financières des entreprises dans le système d’octroi de licences du pays. Cela a alimenté le scepticisme de la population quant à la manière dont les entreprises extractives obtiennent des licences et à leur niveau de qualification. De nombreuses sociétés opérant à Madagascar sont des filiales de sociétés privées, c’est pourquoi il est difficile de demander des comptes à leurs propriétaires concernant les activités de leurs entreprises. À ce jour, les rapports ITIE sont la seule source de données publiquement disponible sur les propriétaires légaux et réels des entreprises extractives. Ces rapports identifient en partie les ressortissants malgaches détenant des actions dans ces sociétés et mettent en évidence les lacunes concernant la participation et les structures de propriété des entreprises internationales dans les opérations malgaches.


L’Annexe 5 du rapport ITIE 2018 fournit des données partielles sur la propriété réelle et la propriété des entreprises en 2018, y compris pour Madagascar Oil, la seule compagnie pétrolière en phase de production dans le pays.

Des registres de propriété réelle accessibles au public pourraient mettre ces informations en lumière, permettant aux citoyens et aux entités gouvernementales de connaître les propriétaires ultimes des entreprises qui investissent et opèrent à Madagascar.

Les fondements d’une plus grande transparence en matière de propriété réelle dans le secteur extractif de Madagascar sont déjà en place. Fin 2019, l’ITIE Madagascar a rédigé un décret pour le compte du gouvernement, définissant le processus de collecte et de vérification des informations sur la propriété réelle. La divulgation régulière de ces données – via des registres hébergés par les agences gouvernementales (BCMM pour les minerais et OMNIS pour le pétrole et le gaz) – pourrait aider le gouvernement à faire preuve de diligence raisonnable à l’égard des entreprises sollicitant une licence. Concernant la cellule de renseignement financier SAMIFIN, ces données pourraient contribuer au travail de lutte contre le blanchiment d’argent et les flux financiers illicites, tout en améliorant l’échange d’informations au niveau international.

Comment les revenus des industries extractives sont-ils gérés par les entreprises publiques et les organismes gouvernementaux ?

Les entreprises d’État et les agences gouvernementales telles que l’OMNIS perçoivent une part substantielle des recettes publiques des entreprises extractives. L’opacité entourant leur rôle et leurs opérations a conduit à des allégations de mauvaise gestion des fonds. Grâce au rapportage ITIE, toutes les agences environnementales sauf l’ONE ont publié leurs états financiers vérifiés pour 2017 et 2018, révélant des aspects de leur performance financière qui n’avaient pas été divulgués auparavant et certaines des dépenses effectuées au nom du gouvernement.

L’institutionnalisation de la divulgation systématique de ces états financiers vérifiés contribuerait à clarifier les pratiques de gestion des recettes de ces entités et leurs relations fiscales avec le gouvernement. La publication en temps opportun des informations pourrait renforcer la fonction de surveillance du gouvernement tout en améliorant la compréhension du public sur la façon dont les revenus des industries extractives sont gérés au-delà du processus budgétaire national.

Prochaines étapes

Madagascar a fait des progrès dans l’amélioration des principales divulgations de données sur les activités extractives. Ces efforts fournissent une base solide pour que le gouvernement et les entreprises commencent à divulguer systématiquement les données pertinentes sur leurs propres systèmes. Le pays est bien placé pour combler les lacunes identifiées lors de sa deuxième Validation par ce type de divulgation systématique. Face aux défis de la pandémie de Covid-19, les approches alternatives pour le rapportage ITIE convenues en mai 2020 pourraient offrir une opportunité de transition vers des pratiques de divulgation plus rapides et plus systématiques, une approche qui peut bénéficier à Madagascar sur le long terme.

Le Conseil d’administration de l’ITIE a déterminé que Madagascar disposera de 18 mois, soit jusqu’au 9 décembre 2021, avant la troisième Validation pour appliquer les mesures correctives concernant l’engagement du gouvernement, l’engagement de la société civile, le suivi du Groupe multipartite, les octrois de licences, la divulgation des contrats, la participation de l’État, la désagrégation des données et les transferts infranationaux.

Ressources: