Skip to main content
Flag of the Republic of the Congo

République du Congo : Modélisation des données ITIE pour renforcer les futurs revenus pétroliers du gouvernement

Utiliser la modélisation financière pour examiner le régime fiscal, les ventes pétrolières et les potentiels revenus futurs du secteur pétrolier

Les industries extractives sont le fondement de l’économie de la République du Congo, générant environ plus de la moitié des revenus totaux de l’État. En tant que grand producteur de pétrole en Afrique, le Congo est depuis longtemps confronté aux demandes du public en termes de transparence accrue dans la gestion de sa richesse pétrolière.

En République du Congo, les Rapports ITIE ont généré une mine d’informations. En 2013, le pays a commencé à publier des données sur la production de pétrole pour tous les permis et, trois ans plus tard, il s’est lancé dans la divulgation des données sur toutes les ventes de pétrole individuelles, ainsi que sur les coûts de projet pour chaque permis. Il divulgue également tous ses contrats pétroliers dans leur intégralité. 

Ces divulgations ont permis à l’ITIE Congo de procéder à une analyse des tendances passées et de prévoir les futurs revenus potentiels selon divers scénarios. À l’aide d’une modélisation financière, une étude récente, réalisée par R4D, a examiné les paiements passés et futurs escomptés des principaux projets pétroliers, ainsi que les ventes de pétrole des entreprises, afin de promouvoir un débat éclairé fondé sur l’analyse des données ITIE et d’examiner l’efficacité des politiques fiscales au Congo.

Cartographie des revenus pétroliers passés et futurs

L’analyse examine les revenus passés et futurs de quatre grands projets à l’aide de différents scénarios de prix et en tenant compte des principaux paramètres qui influencent la part de recettes revenant à l’État. Cette étude a révélé qu’en raison d’évolutions dans les modalités fiscales, les revenus de l’État provenant de ces quatre permis ne devraient pas retrouver les niveaux de 2013 et 2014, même dans un scénario de prix élevé.

Financial modelling of future petroleum revenues in the Republic of the Congo
Source : ITIE Congo (2021), Comprendre les revenus et les ventes pétrolières de l’État en République du Congo grâce à la modélisation financière

Entre 2013 et 2019, les prix du pétrole sont passés d’un maximum d’environ 100 dollars US le baril à un minimum d’environ 40 dollars US le baril. Au cours de la même période, cependant, la production a doublé et les revenus annuels des projets ont augmenté d’environ 1 milliard de dollars US par an. Pourtant, les revenus annuels de l’État ont diminué de plus de 1 milliard de dollars US par an.

Pourquoi les revenus de l’État ont-ils baissé ?

Même si la croissance de la production a compensé la baisse des prix du pétrole, l’étude a révélé que les revenus de l’État avaient baissé en raison de la diminution de sa part dans les revenus de projets, qui est passée d’environ 60 % en 2013 à moins de 30 % en 2019. Cette baisse est imputable aux nouvelles négociations des conditions du contrat pétrolier liées à un instrument appelé « prix haut ». Il en a découlé une augmentation de la part des revenus allant aux entreprises pour couvrir leurs coûts.

Simplification des modalités fiscales

L’étude a comparé les modalités fiscales de plusieurs contrats de partage de production (CPP) et contrats pétroliers avec celles d’autres pays, dont l’Angola, le Ghana et le Nigeria. Pour suivre l’évolution du marché pétrolier international et encourager de nouveaux investissements, les contrats congolais ont dû faire l’objet de modifications fréquentes. Au fil du temps, le régime fiscal du Congo est devenu de plus en plus complexe, en grande partie pour s’adapter à l’instrument « prix haut » – un concept spécifique au secteur congolais – qui déclenche une allocation de super profit oil et détermine la valeur du cost oil.

Pourtant, l’analyse comparative montre que la complexité du système congolais n’a pas amélioré les performances du régime fiscal et que les modalités ne se sont pas avérées durables. L’étude conclut que les systèmes de partage de production plus traditionnels, avec moins d’instruments fiscaux, sont plus performants dans un éventail de scénarios. Elle montre également que le partage du profit oil sur la base d’une mesure de la rentabilité (par exemple, en utilisant une formule de facteur R comme au Nigeria ou un taux de rendement comme en Angola) peut favoriser un système fiscal plus durable sans s’appuyer sur un prix spécifique du pétrole.

Révélation des coûts de projets

L’étude a comparé les coûts de développement de quatre projets congolais avec 44 projets pétroliers offshore à travers le continent. Les résultats laissent entendre que les coûts de certains des projets du Congo sont parmi les plus élevés de la région. Cependant, les données sous-jacentes étaient limitées et les résultats ne sont donc pas concluants. Une analyse plus détaillée des coûts de développement basée sur les déclarations de coûts détaillées soumises par les entreprises pourrait fournir une meilleure idée des pertes potentielles des revenus de l’État découlant des dépenses des projets pétroliers.

Analyse comparative des ventes et des prix du pétrole

Environ 90 % des ventes de pétrole brut congolais sont dominées par deux mélanges (Djeno et Nkossa). Selon les comparaisons avec les ventes de pétrole brut correspondantes en Angola et au Nigeria, bien que la qualité et les coûts d’expédition soient équivalents, les mélanges congolais se vendent à des prix inférieurs à ceux de leurs homologues régionaux.

En outre, quatre entreprises – TEPC, Eni Congo, Chevron et Hemla – vendent leurs droits à des entreprises affiliées et ces ventes constituent plus de 66 % des ventes de Djeno et plus de 80 % de celles de Nkossa. Selon l'étude, les comparaisons entre les entreprises vendant du pétrole brut congolais laissent entendre que TEPC, le plus gros vendeur de Djeno (47 %) et un important vendeur de Nkossa (20 %), vend à des prix inférieurs. Cela justifie une analyse complémentaire des écarts de prix avec les prix de pétrole brut régionaux et entre les vendeurs congolais, compte tenu de l’ampleur des revenus en jeu.

Le prix de vente du pétrole congolais détermine la répartition de la production entre les entreprises et l’État. Plus précisément, un prix fiscal est utilisé dans les systèmes de partage de la production pour déterminer l’allocation du cost oil aux entreprises.

Selon le Code des hydrocarbures de 2016, le prix fiscal doit refléter les prix du marché, sur la base des transactions entre acheteurs et vendeurs indépendants. L’étude a révélé qu’en pratique, bien que seulement 13 % des ventes de Djeno et moins de 1 % des ventes de Nkossa soient réalisées entre des acheteurs et des vendeurs indépendants (les ventes de l’entreprise d’État SNPC n’étant pas prises en compte), le prix fiscal mensuel était basé sur le prix de vente réalisé déclaré dans le cadre de toutes ces ventes privées à des entreprises affiliées, sans autre ajustement.

Selon l'étude, en comparant les prix de vente réalisés avec le prix fiscal mensuel, les ventes déclarées par Eni Congo exercent une influence à la hausse sur le prix fiscal, tandis que les ventes déclarées par TEPC exercent une influence à la baisse. Compte tenu de l’importance du prix fiscal dans la génération des revenus de l’État et de la prédominance des transactions entre parties affiliées, il est conseillé au Congo de renforcer les procédures afin de s’assurer que les transactions reflètent les prix de pleine concurrence du marché. En outre, l’étude a révélé que l’entreprise pétrolière d’État, la SNPC, avait tendance à vendre la part de pétrole de l’État à un prix inférieur à celui obtenu par les entreprises privées.

Prochaines étapes

De précieux enseignements peuvent être tirés des conclusions de l’étude, qui offre une orientation basée sur les données pour éclairer le débat public sur le régime fiscal du Congo. L’ITIE Congo a récemment organisé un atelier pour présenter les conclusions de l’étude aux représentants du gouvernement, de la SNPC, des entreprises privées et de la société civile – une mesure bienvenue pour promouvoir le dialogue multipartite sur la gestion du secteur extractif du Congo. À l’avenir, le Congo aura la possibilité d’améliorer ses divulgations et de mener régulièrement des analyses des revenus et modélisations économiques, en particulier compte tenu des incertitudes sur les trajectoires futures de la demande de pétrole. Le moment est venu pour le Congo de renforcer ses politiques et ses pratiques afin de garantir que les abondantes richesses pétrolières du pays profitent à ses citoyens, aujourd’hui et pour les générations à venir.