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Une gouvernance de dernier recours ? - Savoir déterminer quand privilégier une approche multipartite

Ce blog a été écrit pour le site web de l'Institut de la Banque mondiale par Jonas Moberg, Directeur du Secrétariat de l'ITIE et Eddie Rich, Directeur adjoint.  L'Institut de la Banque mondiale est en train de gérer une série de blogs, en observant les initiatives multipartites en matière de gouvernance.

« Et il faut savoir que toute initiative concernant l'introduction d'une nouvelle forme de gouvernement est très difficile voire même dangereuse, et a peu de chance de réussir. La raison étant que l'ancien ordre sera inévitablement comparé au nouveau, et tous ceux qui pourraient bénéficier du nouvel ordre ne seraient malheureusement que des acteurs peu convaincues. » 

Machiavel, le Prince

Beaucoup de littérature a été produite ces jours-ci, dans le monde universitaire sur la politique publique et le développement, concernant la gouvernance « multipartite ». De nombreuses initiatives de gouvernance cherchent à engager deux ou plusieurs groupes de parties prenantes. Cependant, le fait d'avoir une société civile formellement impliquée dans l'élaboration des politiques est étonnamment limité. En bref, beaucoup a été écrit sur la gouvernance multipartite, mais il existe peu de choses sur l'applicabilité, et encore moins sur la mise en pratique. Notre expérience de l'ITIE peut aider à comprendre pourquoi ceci constitue un domaine dans lequel il est si difficile de faire des progrès, et ce qui pourrait constituer les conditions préalables nécessaires au progrès.

Bien qu'il y ait beaucoup à dire sur la gouvernance « au-delà des gouvernements », il s'agit d'un domaine périlleux. Le simple fait que les initiatives multipartites sont de plus en plus populaires ne veut en rien dire qu'elles constituent la meilleure façon de gouverner. Ces initiatives sont, dans une certaine mesure, une expression de la crise: elles sont poussées par la réalité, et par le fait que les modèles existants ne suffisent pas à relever le défi.

À notre avis, deux conditions doivent être réunies avant toute considération pour prendre une voie de gouvernance collective.

L'échec du gouvernement - Attention à l’écart de la gouvernance

Cela peut sembler évident, mais il est important de reconnaître que s'il existe une solution provenant du gouvernement, alors il faut la favoriser. Les initiatives multipartites ne devraient entrer en jeu que s’il y a un actuel échec du gouvernement, comme par exemple l'impossibilité d'aborder ou de mettre en place une politique, un règlement ou une loi. Ceci est particulièrement vrai dans des domaines très litigieux tels que la corruption, les violations des droits de l'homme ou la liberté de la presse. Dans ces domaines, il y a généralement des conflits d'intérêts de l'élite dirigeante qui pourrait se laisser influencer de manière outrancière par des entreprises et leurs intérêts commerciaux. Si le gouvernement cherche à résoudre ces conflits d'intérêts, il peut commencer par la conception d'un code de conduite et/ou davantage d'informations afin de créer un mécanisme de responsabilité pour combler le déficit de la gouvernance.

Même si le gouvernement décide d'élaborer un code de conduite ou d'émettre des informations vérifiées dans un but d'information, il y a beaucoup d'options qui doivent être considérées avant d'étudier si il y a bien lieu d'élaborer une approche de gouvernance collective. Le gouvernement pourrait, par exemple, envisager de consulter plus largement, de créer des groupes consultatifs, ou de demander une surveillance par un tiers parti. Toutes ces options s'arrêtent brusquement lors d'une initiative multipartite.

Il est également important que le problème nécessite une coopération à long terme. La collaboration est beaucoup plus facile si elle n'est pas considérée comme une affaire où « le gagnant remporte tout », mais plutôt comme un cadre d'une coopération en devenir. Cela exclut la médiation et la conciliation comme accord spécifique ponctuel, tel qu'approprié pour une initiative multipartite.

Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que tant d'initiatives multipartites tournent autour de la collecte d'informations, des codes et des normes pour les gouvernements et la société civile. Ceux-ci concernent des comportements qui, même s'ils sont adoptés dans la législation, ont besoin d'un contrôle par des tiers pour assurer, tout d'abord qu'elles soient mises en œuvre de manière fiable, et d'autre part qu'elles façonnent et améliorent les politiques publiques.

L'autre domaine dans lequel une telle approche pourrait être profitable gravite autour d’un modèle commun, par exemple la prévision des coûts de l'infrastructure ou l'avenir des revenus provenant des marchandises. Là où il pourrait y avoir un manque de confiance dans le gouvernement et dans les entreprises en raison des conflits d’intérêt potentiels, les résultats du modèle pourraient être rendus publics ou un modèle indépendant pourrait être développé. Ensuite, des représentants du gouvernement, des entreprises et de la société civile pourraient se réunir pour évaluer l'indépendance du modèle et les implications pour les décisions en matière de politique publique.

Des conflits comme énergies: quelque chose à gagner et beaucoup à perdre

La colère, en se basant peut-être sur l’établissement de rapports établis, conduit à un mouvement qui conduit à un besoin de résolution. Le conflit perpétuel est la force motrice qui active les roues d’une initiative multipartite et le maintien en mouvement. Les gouvernements, les entreprises et la société civile sont des organisations (et des individus), qui ont des objectifs différents, et sont parfois en opposition, en particulier sur les questions litigieuses.

Cela peut sembler contre-intuitif que la méfiance et les conflits sont les facteurs qui rapprochent la gouvernance collective, mais lorsque les parties se rendent compte qu'ils ont quelque chose à gagner, et beaucoup à perdre à ne pas collaborer, ils deviennent alors des acteurs essentiels. C'est la tension entre ces différents participants qui les amène à s’asseoir autour de la table. C'est la tension continue qui les maintient autour de la table. Si les discussions ne sont pas difficiles, le groupe n’aborde pas les bonnes questions.

Même alors, il faut souvent un leadership courageux et novateur ou une crise pour accepter la nécessité de changer le fonctionnement de mécanismes existants. De nombreux dirigeants refusent de s'asseoir autour de la table avec de participants qu'ils considèrent qui sont là pour les défier, les opposer, ou leur porter atteinte.

Le cas des entreprises en matière de gouvernance collective doit être particulièrement fort. Il existe peu de cas pour lesquels les entreprises auraient une raison d’asseoir autour de la table. En principe, d’après eux, leur rôle est de « faire des affaires », non de discuter des aspects la politique publique. La question doit être complexe ou urgente, alimentée par la colère, les conflits et les campagnes, et les entreprises doivent faire beaucoup, individuellement et collectivement, pour rester à cheval sur la résolution. Par exemple, l'action collective a peu de chances de réussir si le secteur a trop d'entreprises dispersées pour que la réputation d’une seule entreprise rencontre le risque de pression juridique significative.

Conclusion

Si les conditions préalables prescrites ci-dessus existent, alors, il y a une place pour une initiative multipartite. Même alors, l’entreprise ne sera pas facile, mais ce sont précisément les endroits même où la gouvernance innovante est le plus nécessaire. L'aptitude à diriger, l'esprit d'entreprise et l'adaptation devront guider la voie.

Basée sur plus de six années de gestion c’est probablement l'exemple le plus avancé de gouvernance collective au niveau international, le directeur et le directeur adjoint de l'ITIE, Jonas Moberg et Eddie Rich, travaillent sur l’élaboration d’un livre intitulé, « Au-delà de la Gouvernance », qui cherche à examiner les leçons qu'il convient de tirer de l'ITIE pour les initiatives multipartites, ce qui fonctionne, pourquoi et comment cela fonctionne, et d'une façon probablement plus pertinente, dans quels cas cette approche ne fonctionne pas.