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L’Afrique tire parti du potentiel de l’ITIE

La région fait face à quelques problèmes délicats concernant la mise en œuvre de l’ITIE, mais dans l’ensemble, l’optimisme est de mise.

Au cours des dernières semaines, j’ai rencontré les représentants de l’ensemble des 24 pays africains mettant en œuvre l’ITIE : 10 pays anglophones et lusophones à Lusaka (en Zambie), 13 pays francophones à Yaoundé (au Cameroun) et la Tanzanie. Je me suis également rendu au Ghana en compagnie de notre président, Fredrik Reinfeldt, ainsi qu’au Mozambique et en Sierra Leone. Mes collègues se sont de leur côté rendus à Madagascar pour une mission de Validation et en Éthiopie pour une mission de pré-Validation. 

Les récits portant sur le cheminement du secteur extractif des pays d’Afrique au cours de la dernière décennie sont à peu près les mêmes. L’on entend souvent dire que le continent n’aurait pas su saisir les occasions lorsqu’elles se sont présentées et que le boom des matières premières est passé sans que la mauvaise gestion ne soit remise en cause. Des fonds souverains n’auraient pas été établis, ou alors ils auraient été rapidement épuisés ou détournés. Les investissements auraient cessé quand les prix se sont effondrés. Peu de pays auraient investi dans des activités en aval comme les raffineries. La plupart des coûts de production - électricité, routes, ports, communications - resteraient au même niveau qu’avant le boom. En fait, l’espace accordé à la société civile se serait même refermé et la corruption aurait augmenté. Les entreprises d’État se seraient transformées en vaches à lait et en circuits du népotisme pour les élites politiques. L’opacité entourant la propriété des entreprises serait devenue un conduit pour la fraude fiscale. 

Par ailleurs, au sein de l’ITIE, la mise en œuvre se serait fragilisée. Les divulgations systématiques au sein des systèmes gouvernementaux serait un impératif mal compris et par conséquent, les rapports seraient toujours de lourds exercices de collecte de données, effectués une fois par an. Les feuilles de route de la propriété réelle ne seraient pas mises en œuvre dans suffisamment de pays ni assez rapidement. La ponctualité dans la publication des données se serait détériorée.

Une autre version de l’histoire

Cependant, mes rencontres des dernières semaines m’ont laissé un sentiment d’optimisme. Je me réjouis souvent à la pensée qu’il y a seulement une décennie, si quelqu’un avait indiqué que les données relatives aux revenus seraient ventilées dans chaque pays par entreprise, et a fortiori par projet, cela aurait paru impensable. La transparence en matière de contrats est devenue une attente légitime, pas une simple aspiration. Dans beaucoup de cas, les licences sont octroyées de manière ouverte. La plupart des entreprises d’État commencent à prendre des dispositions pour ouvrir leurs registres, de manière parfois inattendue, et les opérateurs internationaux réagissent positivement. Enfin, la plupart d’entre nous n’avaient même pas entendu parler de propriété réelle il y a seulement dix ans, et encore moins imaginé qu’elle deviendrait un sujet majeur de débat public au niveau international. Nous sommes presqu’en mesure de retracer les flux internationaux et de débattre de manière éclairée du caractère favorable ou non des accords conclus entre les gouvernements et les entreprises. Quelques espaces dont dispose la société civile ont été protégés et de courageux militants les ont occupés. L’ITIE mérite d’être saluée pour cela.

Selon moi, quatre sujets sont particulièrement positifs :  

1. J’ai été encouragé par les progrès tangibles accomplis dans de nombreux pays. Madagascar a publié d’excellentes études, riches en informations relatives à l’exploitation minière artisanale et à petite échelle, et aux transferts locaux concernant les communautés isolées et recevant de faibles financements. L’application développée par l’ITIE Mauritanie est une innovation pratique prometteuse pour les citoyens. La Société nationale des hydrocarbures (SNH) au Cameroun et la Nigeria National Petroleum Corporation (NNPC) au Nigeria constituent des tentatives innovantes, sinon inattendues, visant à améliorer la transparence du commerce des matières premières. La législation sur la propriété réelle a été modifiée au Cameroun, au Ghana et en Zambie. La République démocratique du Congo divulgue plus d’informations sur les propriétaires réels des entreprises minières dans ses rapports ITIE que n’importe quel autre pays sur le continent. La plupart des pays africains disposent désormais de registres de licences sophistiqués en ligne qui comportent de plus en plus d’informations. Progressivement, les pays financent eux-mêmes les processus ITIE et les autres réformes du secteur.

2. La Validation a changé la qualité et le rythme de la mise en œuvre de l’ITIE.  La nature des discussions au sein du secteur s’est transformée. Dans de nombreux cas, elles ne portent plus sur les aspects généraux mais au contraire sur des sujets techniques complexes, tels que les lacunes dans les déclarations des entreprises d’État, l’octroi de licences et les transferts infranationaux. La Validation est devenue un stimulant dans les pays qui se complaisaient dans une mentalité de « statu quo ».  Des questions difficiles à traiter – surtout en ce qui concerne la gouvernance du processus et l’espace civique – sont discutées de manière pertinente. Les recommandations et les mesures correctives ont une incidence de plus en plus grande sur l’agenda des réunions avec les hommes politiques, les Groupes multipartites et les secrétariats. Ceux qui mettent en œuvre l’ITIE parlent de façon plus éloquente et compétente de ses Exigences et de son utilité générale. L’ITIE fait participer de nouveaux partenaires parfois inattendus, particulièrement des entreprises d’État, qui ne savaient rien de nous auparavant. Les défenseurs des réformes, quant à eux, utilisent l’ITIE comme un outil. Les fonctionnaires faisant de l’obstruction pourraient avoir à répondre de leurs actes plus qu’avant.

3. Participation politique. L’ITIE est prise au sérieux sur le continent africain. De hauts responsables gouvernementaux, et notamment des ministres, participent aux réunions du Groupe multipartite au Cameroun, au Tchad, en RDC, en Éthiopie, à Madagascar, au Mali, au Mozambique et au Sénégal. Leur implication notable a permis d’attirer les entreprises d’État et fait de l’ITIE un mécanisme de consultation efficace en matière de politique gouvernementale. Le Ghana, le Nigeria et la Tanzanie disposent des programmes radicaux de lutte contre la corruption et de réformes du secteur extractif. En dépit des revenus en baisse du secteur, nous rencontrons des ministres de haut rang engagés dans la plupart des pays où nous nous rendons.

4. Changement politique. Au cours du dernier mois, le président du Zimbabwe a été renversé, il y a eu des changements de personnel importants dans le secteur des industries extractives en Angola et au Mozambique, et la direction du parti le plus influent du continent, l’ANC, a changé. La Tanzanie apporte des changements très importants à son secteur extractif. L’avenir nous dira si ces changements sont positifs pour l’Afrique, mais l’on peut sentir souffler un vent de changement. 

Un continent à travers un pays : le Ghana

Le Ghana est un exemple de ce qu’il est possible de réaliser avec l’ITIE, bien que le pays soit menacé de suspension en raison d’un retard dans la transmission de ses données. C’est un paradoxe qui semble typique du continent.

L’impact du GHEITI est visible à travers le secteur :

  • La Commission des minerais établit le système en ligne d’administration du cadastre minier, financé par l’Australie ;
  • La Commission pétrolière développe son portail de contrats pétroliers en ligne financé par le programme Ghana Oil and Gas for Inclusive Growth (GOGIG) du ministère britannique du Développement international (DFID) ;
  • Le Greffier général est en train d’établir un registre de la propriété réelle financé par le programme Strengthening Action Against Corruption (STAAC) du DFID ;
  • La Ghana National Petroleum Company (GNPC) publie ses données chaque année, en se retirant des secteurs non pétroliers/gaziers et en se joignant maintenant au travail de négoce des matières premières de l’ITIE ;
  • Les divulgations des entreprises et des agences requises par le GHEITI sont communiquées en ligne grâce un logiciel SAP financé par le GIZ.

Toutes ces améliorations ont pour origine les recommandations du GHEITI. Et ça ne s’arrête pas là : en venant de l’aéroport, vous passez devant l’unité d’analyse des minéraux, mise en place suite aux premières recommandations du GHEITI. 

Dans les communautés concernées par les activités minières, vous entendez parler des fonds communautaires de développement qui sont désormais mieux affectés et contrôlés grâce au GHEITI. Le processus de l’ITIE au Ghana s’est concentré de manière efficace sur l’intégration – devenue programmée dans les systèmes de divulgation des entreprises et du gouvernement – bien avant qu’il n’en ait été fait écho.

Le Ghana est lauréat de deux Prix du président de l’ITIE bien mérités et a reçu une mention honorable à Jakarta pour son travail sur la propriété réelle. Le Ghana est premier pays subsaharien pour le pétrole et le gaz dans le classement de l’indice de gouvernance des ressources.

Cependant, les données ITIE 2015 ne seront pas divulguées dans les temps cette année. Il n’y a pas de champion politique pour activer le processus. Des progrès en matière de mesures correctives devront être accomplis avant la seconde Validation en mars 2018. De façon générale, il reste beaucoup à faire :

  • Les réformes du secteur minier à petite échelle, comprenant notamment un moratoire sur toutes les licences jusqu’à ce que les systèmes soient remis en ordre, sont ambitieuses et auront une incidence sur des millions de vies.
  • Une grande opacité règne toujours dans le contenu local du secteur pétrolier et gazier.
  • Il reste beaucoup à faire pour clarifier les différents rôles assumés par la GNPC et pour faire la lumière sur le négoce des matières premières.
  • Le Parlement s’oppose à la mention de l’identité des personnes politiquement exposées dans le registre de la propriété réelle..

D’autres exemples de la contribution de l’ITIE à des réformes tangibles menées en Afrique francophone sont disponibles ici

Beaucoup à faire...

Il reste beaucoup à faire - en particulier sur la gouvernance, la propriété de l’État, la propriété réelle et les licences. Nos systèmes et nos processus ont tendance à nous orienter davantage sur les choses négatives que sur l’impact positif créé. Or, comme la Validation nous le montre clairement, la situation est lacunaire sur le continent africain. Mais ne nous méprenons pas - la tendance générale des progrès est positive dans certains des pays les plus difficiles. L’ITIE compte dans ces pays, d’une manière que nous ne comprenons pas encore pleinement. 

Author(s)
Eddie Rich