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La modélisation des données extractives : prochaine étape pour les rapprochements ?

Johnny West est le fondateur et le directeur d’OpenOil, l’un des principaux fournisseurs d’analyses financières et de conseils commerciaux sur les actifs en ressources naturelles pour les politiques publiques.

La modélisation financière peut être considérée comme le « pourquoi » ultime de la déclaration ITIE. Pourquoi collecter toutes ces données sur les industries pétrolières et minières ? Et pourquoi déployer tant d’efforts pour établir un consensus autour de leur publication ? De quelle manière ces données peuvent-elles être utilisées afin de stimuler un débat et des choix politiques éclairés ?

Les industries extractives engendrent de profondes répercussions de plusieurs manières, notamment sur le plan environnemental, social, voire politique. Cependant, lorsqu’il s’agit d’argent (qui, après tout, est l’élément moteur qui incite les gens à forer les fonds marins ou à creuser les montagnes), la modélisation financière les réunit tous. Un modèle financier peut être comparé à une recette. Les données que la déclaration ITIE génère - telles que les chiffres de production, les prix, les régimes fiscaux et les paiements - sont des ingrédients bruts. Un modèle est donc la formule qui présente un tableau de la manière dont ces données s’adaptent ensemble.

Pour les projets d’extraction, les questions financières revêtent une grande importance : qu’est-ce qu’une « transaction équitable » ? Quel montant le gouvernement va-t-il percevoir cette année ? Quel montant sera versé aux collectivités locales ? Quelles seraient les conséquences d’une hausse de 10 % du prix de l’or ou du pétrole ? D’une baisse de 20 % ? Quelle est la valeur de la mine d’or ? Est-il nécessaire d’offrir cette exemption fiscale ?

Les données statiques ne peuvent à elles seules apporter ces réponses. Elles doivent être combinées - production avec prix, marges bénéficiaires avec impôts acquittés - aux calculs d’un modèle.

L’ITIE fournit des données mais son objectif est également d’offrir une vision. La modélisation financière pourrait être exploitée de manière plus systématique dans le but de fournir des informations analytiques et spécifiques. Elle peut être perçue comme un rapprochement de niveau supérieur. Lorsque les exercices de rapprochement posent la question « combien A a-t-il payé à B ? », le modèle demande « combien A aurait dû payer à B ? »

Il n’est donc pas surprenant que les groupes multipartites (GMP) commencent à s’intéresser de près à la modélisation. Au Nigeria, l’ITIE Nigéria a utilisé un modèle pour examiner une question cruciale, à savoir le montant que le gouvernement a pu perdre dans le secteur pétrolier offshore en négligeant d’invoquer un droit de regard sur la première génération de contrats. En Zambie, le gouvernement et les compagnies minières ont échangé leurs modèles qui examinent l’impact d’un nouveau régime fiscal sur les aspects économiques des projets. Cette rencontre a permis de générer un rapprochement inédit dans un pays qui possède une industrie minière vieille de plus d’un siècle. Des modèles ont récemment été présentés dans d’autres pays de l’ITIE, comme la Guyane et le Myanmar, et dans des pays à différents stades de leur développement, comme le Liban et la République du Congo.


Analyse de l’ITIE Nigéria montrant les revenus en cas de statu quo et de révision des contrats

L’ITIE occupe une position unique lui permettant de faire avancer la modélisation dans l’espace public. Elle jouit de la confiance des gouvernements, qu’elle intègre parfois, bien que son mandat vise à créer un consensus - en publiant des informations. La structure de l’ITIE lui permet de promouvoir à l’échelle mondiale les meilleures pratiques et un espace communautaire de connaissances dans l’espace public de manière plus coordonnée que ne l’ont fait d’autres initiatives jusqu’à présent. Cette réussite pourrait être mise à profit par l’ITIE en faisant de l’analyse financière sophistiquée la « nouvelle norme » dans bon nombre de pays où le gouvernement ne modélise pas efficacement les ressources naturelles en privé. Il s’agit là d’une perspective intéressante !

Nous pouvons donc conclure que la modélisation contribue au second volet du vaste mandat de l’ITIE, qui est d’informer le débat. Les modèles peuvent jouer un rôle de « tueurs de rumeurs » ; ils peuvent révéler que le secteur offshore d’un pays ne permettra pas de préserver l’ensemble de l’économie, les finances publiques ou de mettre fin à la pauvreté. Ils peuvent aussi démontrer qu’un accord passé était effectivement acceptable. De nombreux pays ont la capacité de reproduire la réussite de la Zambie en matière de modélisation. Le principe fondateur de l’ITIE repose sur l’idée qu’une information ouverte et fiable permet d’améliorer les politiques et de donner à la société la possibilité de fonctionner. La modélisation constitue naturellement la prochaine étape pour atteindre cet objectif.

Johnny West est directeur d’OpenOil, un cabinet de conseil basé à Berlin et spécialisé dans l’analyse financière appliquée aux ressources naturelles pour les politiques publiques. OpenOil héberge la plus grande collection de modèles financiers du secteur extractif publiés sur Internet et offre des services-conseil aux gouvernements, aux groupes de réflexion, à la société civile, aux organismes bilatéraux de développement et aux institutions financières internationales. Johnny West est membre du Comité consultatif de la FAST Standard Organisation, qui gère le système de modélisation financière open source le plus utilisé au monde, ainsi que du conseil d’administration d’Open Knowledge International.

Author(s)
Johnny West