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Rentrer dans son pays pour changer les choses

Cet entretien a été réalisé en mai 2014 à Bagdad par Pablo Valverde, responsable pays à l’ITIE, une semaine avant que les forces de l’État islamique en Irak et au Levant ne s’emparent de certaines régions d’Irak.

De tous les pays de l’ITIE, c’est l’Irak qui détient les plus grandes réserves de pétrole. Cet immense potentiel n’a d’égal que l’ampleur des défis sécuritaires auxquels le pays doit faire face. À l’heure où l’Irak est à nouveau au bord du gouffre, M. Alaa Mohie Al-Deen, notre portrait ITIE du mois, rêve du jour où tous les Irakiens vivront enfin dans un pays prospère.

Un engagement aussi total qu’imprévu

C’est un peu par coïncidence que M. Alaa Mohie Al-Deen s’est retrouvé à diriger l’initiative detransparence dans le secteur pétrolier irakien en tant que coordinateur national de l’ITIE Irak, poste qu’il occupe depuis 2009. Désormais un ardent défenseur de la bonne gouvernance, M. Alaa Mohie Al-Deen avoue que, jusqu’à ce qu’il commence à travailler avec l’ITIE, il n’était pas réellement conscient de l’importance de la transparence et de la redevabilité dans les industries extractives. Mais aujourd’hui, il considère cela comme la condition sine qua non du développement économique de son pays.

Fils d’entrepreneur, M. Alaa Mohie Al-Deen croit fermement au pouvoir de transformation du secteur privé. Le secteur privé encourage l’initiative, la spécialisation et les bons résultats, et c’est exactement, dit-il, ce dont l’Irak a besoin aujourd’hui. Mais le secteur privé a besoin de confiance et de stabilité, qualités qui ne sont pas monnaie courante en Irak. C’est précisément là où intervient l’ITIE.

Après des dizaines d’années de stagnation du temps de Saddam et les dix ans de conflit qui ont suivi sa destitution, M. Alaa Mohie Al-Deen conserve toujours l’espoir d’une renaissance de l’Irak. Il pense que la richesse pétrolière du pays jouera un rôle fondamental pour sortir de ce cercle vicieux. Il est cependant préoccupé par la situation actuelle. « Si l’on constate quelques progrès en Irak, c’est seulement parce qu’il y a tellement de pétrole qu’il ne peut pas être entièrement volé », ironise-t-il. C’est là que, selon lui, l’ITIE peut avoir un effet positif. « J’aime à croire que l’ITIE Irak aide à garder une partie de la richesse pétrolière pour qu’elle profite au peuple irakien. Ce n’est pas encore grand-chose, j’en conviens, mais je suis sincèrement persuadé que nous avançons. »

Des idées et de l’espoir pour l’avenir

Les progrès peuvent paraître lents, mais M. Alaa Mohie Al-Deen n’hésite pas à sortir des sentiers battus pour essayer d’introduire les changements qu’il souhaite voir. Par exemple, ne pourrait-on pas persuader les chefs religieux de diffuser l’idée de la transparence des revenus en Irak ? Comme l’ont montré les dernières élections, il ne faut pas sous-estimer le pouvoir mobilisateur de la religion dans la vie politique irakienne. Et si l’on réussissait à familiariser les chefs religieux avec la Norme ITIE, et à les inciter à expliquer son importance pour l’établissement de la bonne gouvernance et de la redevabilité ? « Si jamais j’y arrive, plaisante-t-il, je peux prendre ma retraite. Tout le monde serait au courant de l’ITIE et chercherait comment faire pour que ces rapports mènent à des réformes efficaces ».

M. Alaa Mohie Al-Deen est conscient des défis qui attendent le pays en général, et la gestion des industries extractives en particulier. Dans les années 1980, lorsqu’il était en prison au Koweït pour son opposition à Saddam, il était persuadé que c’était le dictateur qui était à l’origine de tous les problèmes de l’Irak. Se débarrasser de Saddam, c’était se débarrasser du problème, pensait-il. « En fait, nous nous sommes débarrassés d’un Saddam, pour le voir remplacé par des centaines d’autres ! »

Les défis s’accumulent pour l’Irak et les risques de corruption demeurent nombreux. Les choses sont différentes de ce à quoi M. Alaa Mohie Al-Deen s’attendait lorsqu’il a pris la décision de rentrer en Irak après plus de vingt ans d’exil aux États-Unis et au Canada. Néanmoins, il ne perd pas espoir. Il reste convaincu que ses enfants seront témoins de la renaissance de l’Irak et il estime que l’ITIE contribue à cet objectif. C’est pourquoi sa tâche de coordinateur national lui procure parfois tant de satisfaction qu’il la considère plus comme un hobby que comme un vrai travail !

Pays
Iraq