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Offshore oil rig
Brief

Les dessous des contrats

Divulguer les contrats pétroliers pour gérer les risques et les opportunités dans la transition énergétique

L’importance de la transparence des contrats pour la transition énergétique

Au cours des 15 dernières années, la transparence dans les secteurs de l’énergie et des industries extractives a suscité une attention croissante. Cette attention découle d’événements majeurs tels que la crise financière de 2007 à 2009, l’Accord de Paris de 2015, les engagements en faveur de la neutralité carbone à l’échelle mondiale et le récent double choc de la Covid-19 et de la récession qui en a résulté. En 2023, les négociateurs de la COP 28 ont convenu d’abandonner progressivement les subventions aux combustibles fossiles inefficaces et de tripler les capacités en énergies renouvelables. La vigilance accrue relativement aux combustibles fossiles ne fait qu’amplifier la demande en faveur d’une transition énergétique transparente.

Ces événements soulignent l’importance de la transparence dans l’affectation et l’utilisation des ressources financières, particulièrement dans les secteurs pétrolier et gazier, compte tenu de leur impact significatif sur les économies nationales, les marchés mondiaux de l’énergie et l’environnement. Alors que le monde se tourne vers des sources énergétiques plus propres, l’accès à des informations claires et fiables est essentiel pour assurer des décisions d’investissement éclairées, des politiques budgétaires efficaces et l’adoption de bonnes pratiques en ce qui concerne les obligations sociales, les engagements environnementaux et les bénéfices locaux.

La transparence des contrats est également essentielle pour gérer les risques, optimiser les bénéfices et aligner les opérations sur les objectifs climatiques des pays. En examinant minutieusement les dispositions des contrats, les parties prenantes peuvent mieux faire face aux complexités de la transition énergétique tout en protégeant les intérêts publics et en promouvant le développement durable. La publication des contrats réduit encore le profil de risque des projets et constitue une mesure importante pour les entreprises qui s’efforcent d’appliquer les normes de rapportage environnemental, social et de gouvernance (ESG). 

La présente note de politique identifie neuf dispositions clés dans les contrats pétroliers et gaziers qui sont essentielles pour atténuer les risques dans le cadre de la transition énergétique et elle explique les avantages de la divulgation de ces dispositions. En vertu de l’Exigence 2.4 de la Norme ITIE, il est exigé des pays qu’ils divulguent ces dispositions lorsqu’elles figurent dans les contrats, annexes ou avenants. Cette transparence peut réduire l’asymétrie d’information dans les négociations de contrats, atténuant ainsi les risques pour les gouvernements, la société civile et le secteur privé.


Principales dispositions contractuelles pertinentes pour la transition énergétique

La transparence dans le secteur extractif, particulièrement dans l’industrie du pétrole, offre des avantages substantiels aux gouvernements, aux entreprises énergétiques et minières et à la société civile. La divulgation des informations sur les neuf dispositions présentées ci-dessous peut favoriser le renforcement des relations entre ces parties prenantes relativement à trois aspects essentiels des projets extractifs : les risques, les rétributions et les responsabilités.

Le renforcement de la transparence permet aux parties prenantes d’améliorer la gestion du risque, en garantissant que les projets progressent de manière parfaitement intégrée lors des phases de planification, de construction, d’exploitation et, enfin, de déclassement, avec moins de conflits ou de retards. La transparence sur les questions telles que l’imposition, le contenu local et les impacts environnementaux et sociaux lors des premières étapes d’un projet d’exploitation peut améliorer le déroulement des activités opérationnelles, réduire le risque de conflit et contribuer à créer un alignement avec les engagements climatiques pertinents.

  • Régime fiscal: Définit les modalités de partage des recettes des activités extractives entre l’État et les entreprises, ce qui impacte la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
  • Clauses de stabilisation: Protègent les investisseurs contre les changements dans les lois ou les réglementations, ce qui peut entraver la mise en œuvre des politiques liées à la transition énergétique.
  • Calendrier de production: Établit la durée et le rythme de l’extraction de ressources, qui peuvent nécessiter un ajustement en vue de les aligner sur les cibles de zéro émission nette.
  • Dispositions relatives au contenu local et à la formation: Imposent l’utilisation de ressources et de main-d’œuvre locales, offrant potentiellement la possibilité de développer des compétences vertes et de soutenir la transition énergétique.
  • Dispositions relatives à l’impact environnemental: Stipulent les obligations des entreprises en termes de minimisation des préjudices environnementaux et de réduction des émissions carbone dans le cadre de leurs activités.
  • Processus de déclassement, de restauration et de réduction: Couvrent les responsabilités et les financements en vue d’assurer une clôture de projet en toute sécurité, de réhabiliter les sites et de gérer les impacts environnementaux.
  • Transfert de technologies propres: Exige l’adoption des meilleures technologies à disposition pour réduire les émissions et soutenir une transition énergétique durable.
  • Procédures de résolution des différends: Décrivent les modalités de résolution des conflits. Tous les contrats n’incluent pas des dispositions claires sur la résolution des différends en matière de transition énergétique et de climat.
  • Clauses de force majeure : Exonèrent des obligations contractuelles lors d’événements extraordinaires, notamment des perturbations liées au climat dans certains cas.

1. Régime fiscal

Le régime fiscal régissant le secteur extractif d’un pays est essentiel pour évaluer l’impact des politiques en faveur du zéro émission nette sur la production, la distribution et la commercialisation des ressources. Il englobe un ensemble d’instruments, de lois, de réglementations, d’accords ou d’outils qui définissent les modalités de partage des recettes provenant du pétrole, du gaz et des minéraux entre l’État et les entreprises, ce qui influence la trajectoire du pays vers une économie à faibles émissions de carbone. Par exemple, les mesures incitatives et les subventions prévues dans le régime fiscal applicable au secteur pétrolier peuvent soit soutenir, soit entraver les efforts qui sont déployés en vue de la transition énergétique.

Les pays pourraient envisager d’intégrer des dispositions incitant les entreprises et leurs fournisseurs à adopter des technologies propres ou à mettre en œuvre une contribution financière pour les énergies renouvelables dans le cadre de leurs activités. De telles mesures incitatives pourraient se présenter sous forme de recouvrement accéléré des coûts et/ou de dépréciation, de réductions d’impôts, entre autres, qui sont liés au régime fiscal du projet concerné. Toutefois, il faut veiller à ce que ces mesures incitatives soient conçues de manière à ne pas fausser les principes économiques sous-jacents des cadres contractuels.

Les arguments en faveur de régimes fiscaux transparents :
  • Les citoyens peuvent évaluer le montant des recettes que le pays perçoit de ces projets et l’impact des mesures incitatives sur ces gains.
  • La divulgation des modifications apportées aux contrats en matière de régime fiscal suite aux politiques de transition énergétique permet aux parties prenantes d’évaluer l’impact économique de ces politiques, de modéliser les recettes futures et d’identifier les risques dans la collecte des recettes.
  • La transparence des questions budgétaires favorise une relation équilibrée entre le gouvernement, les entreprises et les citoyens en clarifiant la répartition des risques et des bénéfices.1

2. Clauses de stabilisation

Les clauses de stabilisation protègent les investisseurs contre des changements dans les lois ou les réglementations qui pourraient avoir des répercussions négatives sur leurs investissements.2 Elles prévoient une stabilité juridique et budgétaire relativement aux conditions qui ont été convenues au moment de la signature d’un contrat. En particulier, ces clauses sont courantes dans les contrats conclus dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire qui sont riches en ressources, où les environnements politiques et réglementaires peuvent être perçus comme instables.3

Les mécanismes de stabilisation peuvent prendre différentes formes. Certains sont inclus dans les lois nationales, comme les lois sur les investissements étrangers, et d’autres sont intégrés directement dans des accords pétroliers. Les clauses de stabilisation peuvent exonérer les entreprises de la conformité aux nouvelles réglementations environnementales ou inclure des clauses d’« équilibre économique »4 exigeant que le gouvernement indemnise les entreprises pour les pertes résultant de changements juridiques qui affectent considérablement l’équilibre financier du contrat.  

Cependant, les clauses de stabilisation posent des défis, car elles peuvent offrir une protection trop faible ou trop importante. Sans exclusions spécifiques, comme celles liées à la protection de l’environnement, ces clauses peuvent entraver la mise en œuvre des politiques sur la transition énergétique. Par exemple, la clause de stabilisation de 2012 de l’Ouganda a soulevé des préoccupations à cet égard.5 Les contrats signés après l’Accord de Paris de 2015 sont supposés imposer des limites sur les clauses de stabilisation, conformément aux efforts mondiaux en faveur d’une économie à faibles émissions de carbone. Toutefois, nombre de contrats n’ont pas été mis à jour de manière à les aligner sur les politiques climatiques et de transition énergétique. Par exemple, le contrat pétrolier de 2017 de la Côte d’Ivoire inclut encore des dispositions de stabilisation étendues, similaires à celles qui étaient utilisées avant 2015.6 Pour remédier à ce problème, il est essentiel de limiter clairement l’étendue des clauses de stabilisation, par exemple en déclarant de manière explicite qu’elles ne s’appliquent pas aux politiques sur la transition énergétique que le gouvernement a introduites afin d’apporter ses contributions déterminées au niveau national (CDN) en vertu de l’Accord de Paris.

L’argument en faveur de clauses de stabilisation transparentes :
  • Les citoyens doivent connaître les clauses de stabilisation qui pourraient limiter l’application des politiques sur la transition énergétique.
  • La transparence dans la divulgation de ces clauses peut contribuer à informer le public sur l’existence de clauses d’équilibre, suscitant ainsi des discussions sur leur impact économique.
  • L’application de clauses de stabilisation peut être mise à profit pour promouvoir une répartition plus juste des bénéfices, particulièrement lorsque les prix sont élevés.

3. Calendrier de production

Certains contrats pétroliers ne prévoient pas de dispositions spécifiques pour les activités de production futures, car le volume de la production prévue dépend souvent de paramètres uniques à chaque projet. Toutefois, certains contrats nécessitent que les ressources découvertes soient extraites en quantités commerciales au taux de rendement maximal, dans le respect des meilleures pratiques internationales applicables aux champs pétrolifères.

Il y a un désalignement potentiel entre le calendrier de production stipulé dans un contrat et les politiques sur la transition énergétique. Par exemple, des contrats signés après l’Accord de Paris de 2015 peuvent ne pas préciser la durée de la production pétrolière et gazière et, dans certains pays, il se peut que ces contrats restent inchangés malgré l’adoption de politiques en faveur de la transition énergétique. La réduction des périodes de production pour atteindre les cibles de zéro émissions nettes affecterait les recettes nationales et les retours sur l’investissement des entreprises pétrolières. Bien que cette décision incombe aux gouvernements, elle souligne l’importance de divulguer pleinement les conditions contractuelles liées aux calendriers de production. Compte tenu de la persistance de la demande en pétrole et en gaz, les pays doivent envisager de recourir à des technologies propres telles que le captage, le stockage et la réutilisation du dioxyde de carbone (CCUS) pour réduire leurs émissions. Cette approche reflète un engagement à remédier aux impacts sur l’environnement.

L’argument en faveur d’un calendrier de production transparent :
  • La divulgation du calendrier de production général et de toute modification subséquente dans les contrats pétroliers permet aux citoyens d’établir si ces contrats correspondent aux politiques de transition énergétique et aux cibles de zéro émissions nettes de leur pays.
  • La transparence dans les calendriers de production et les contrats associés permet à la société civile d’évaluer les mesures de réhabilitation que prennent les entreprises pour atténuer l’impact de leurs activités, y compris leurs émissions de carbone.

4. Dispositions relatives au contenu local et à la formation

Dans les industries extractives, le contenu local désigne des dispositions contractuelles, des lois et des politiques qui exigent l’utilisation d’une main-d’œuvre, de services et d’installations à l’échelle locale dans les secteurs pétrolier, gazier et minier.

La transition énergétique est en passe de générer de nouvelles opportunités d’emplois, souvent décrites comme la hausse des emplois verts et la « transition juste ».7 Selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables, la transition devrait permettre de créer 40 millions d’emplois supplémentaires dans le secteur de l’énergie d’ici à 2050.8 Ce changement offre la possibilité de développer de nouvelles compétences au sein des communautés touchées et de diversifier les économies locales. Cependant, un grand nombre de contrats ne prévoient pas de dispositions adéquates sur le contenu local en vue d’encourager les formations aux emplois verts, l’éco-entrepreneuriat, les initiatives en faveur de la transition énergétique et l’économie circulaire. Par ailleurs, ces contrats abordent rarement les questions liées au transfert de technologies et aux formations dans le secteur des énergies renouvelables.

Les dispositions et les politiques sur le contenu local pourraient être conçues de manière stratégique afin d’exiger des entreprises qu’elles investissent dans des programmes de formation, des initiatives locales et des technologies qui améliorent la sensibilisation au changement climatique et soutiennent la transition vers des pratiques efficaces et durables dans l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur pétrolier.

L’argument en faveur de dispositions transparentes liées au contenu local :
  • La divulgation des dispositions sur le contenu local dans les contrats permet aux citoyens de comprendre l’étendue de l’engagement d’une entreprise et de l’industrie en faveur du développement de compétences au sein des communautés dans lesquelles elles mènent leurs activités.
  • La transparence garantit que ces engagements prévoient des formations et l’acquisition de compétences pertinentes pour la transition énergétique.
  • Les divulgations fournissent des informations essentielles sur les futures opportunités d’emploi, en veillant à ce qu’elles respectent les critères d’« emplois décents » tels qu’ils sont décrits dans l’Objectif de développement durable 8 des Nations Unies (« travail décent et croissance économique »).

5. Dispositions sur l’impact environnemental

Les dispositions des contrats pétroliers relatives à l’impact environnemental précisent les obligations incombant aux entreprises pour conduire leurs activités en minimisant les préjudices sur l’environnement. Ces dispositions incluent généralement des engagements à résoudre les incidents liés aux déversements de pétrole, aux opérations de torchage, aux déversements d’effluents toxiques et à d’autres risques environnementaux. Toutefois, tous les contrats n’incluent pas des mécanismes d’application ou des pénalités spécifiques pour les problèmes tels que le torchage et les déversements de pétrole. Par exemple, le Nigeria a adopté depuis 1979 un certain nombre de lois et de politiques visant à interdire le torchage, mais l’efficacité de ces mesures est souvent entravée par des lacunes en termes d’application et de transparence qui ne font que perpétuer les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Par ailleurs, nombre de contrats ne prévoient pas de dispositions spécifiques aux émissions de carbone, au prix du carbone, aux taxes carbones et à l’adoption de technologies à faibles émissions de carbone ni de normes efficaces pour réduire les émissions de GES. Lorsque de tels engagements ont été pris, les citoyens doivent en avoir connaissance pour en garantir un suivi approprié. En l’absence de telles dispositions, la divulgation des contrats peut susciter un débat public sur la nécessité de les inclure.

Global carbon pricing instruments, 2024
Cette carte présente les juridictions qui ont mis en œuvre des instruments de tarification du carbone, y compris les instruments de conformité (systèmes d’échange de droits d’émission [ETC] et taxes sur le carbone) et/ou les mécanismes nationaux de crédits carbone. Source : Banque mondiale (2023).
L’argument en faveur de dispositions transparentes sur l’impact environnemental :
  • Les citoyens doivent pouvoir savoir si les contrats correspondent aux engagements généraux de leur pays en matière de réduction des émissions de carbone.
  • La divulgation des contrats peut encourager des débats publics et soutenir l’inclusion de dispositions qui renforcent l’application et la transparence, comme des réglementations sur le torchage et les divulgations liées au changement climatique.

6. Processus de déclassement, de restauration et de réduction

Compte tenu de la hausse du nombre de projets extractifs qui approchent de leur phase finale, l’importance de processus de déclassement et de gestion des déchets efficaces est d’autant plus vitale. Une réhabilitation appropriée des sites et une minimisation des impacts environnementaux constituent désormais des composantes essentielles des opérations d’un projet. De plus, l’imprévisibilité des marchés et les menaces du changement climatique ne font qu’accroître l’urgence des processus de déclassement dans de nombreux pays.

Les dispositions contractuelles liées au déclassement couvrent généralement un éventail de questions, notamment l’exigence d’élaborer des plans de déclassement dès le départ, l’établissement de fonds de déclassement, des obligations de réserve financière pour les entreprises et le lancement des efforts de réhabilitation de l’environnement. L’un des aspects essentiels à prendre en compte est l’attribution des responsabilités financières du déclassement.9 Toutefois, nombre de contrats anciens ne prévoient aucune procédure de déclassement.10 Par ailleurs, certains de ces anciens contrats sont cédés par de gros exploitants pétroliers et gaziers à des petites entreprises qui peuvent ne pas s’acquitter des obligations de déclassement.

Des dispositions de déclassement pour les installations à terre sont souvent incluses dans les contrats pétroliers et les lois nationales pertinentes sur le secteur pétrolier, et les processus de déclassement offshore sont régis par un mélange de conventions internationales, d’accords régionaux, de lois nationales et de contrats de gouvernement hôte. Ces instruments juridiques comprennent généralement des dispositions visant l’établissement d’un fonds de déclassement, souvent sur un compte de séquestre. Cependant, il est fréquent que le niveau de transparence des modalités de gestion et d’administration de l’ensemble du processus de déclassement soit insuffisant.

L’argument en faveur de dispositions transparentes liées au déclassement et à la gestion des déchets :
  • La divulgation des dispositions contractuelles liées au déclassement permet aux citoyens de comprendre l’étendue des activités de déclassement et leur impact potentiel sur les communautés.
  • Les composantes essentielles des contrats de déclassement et de gestion des déchets, telles que la réhabilitation de l’environnement, les frais de déclassement, l’établissement de fonds de déclassement, le transfert des responsabilités, la prise en charge du passif et la gestion continue des relations, doivent être transparentes pour s’assurer que toutes les parties tirent des bénéfices tout au long du cycle de vie du projet – depuis la planification et la construction jusqu’aux phases d’exploitation et, enfin, de déclassement.
  • Les citoyens doivent également pouvoir accéder aux informations sur d’autres dispositions contractuelles liées aux obligations en termes de déclassement, comme les clauses de stabilisation, les clauses sur le choix de la loi applicable, les clauses d’arbitrage et les dispositions liées à l’environnement.

7. Transfert de technologies propres

Les dispositions en faveur du transfert de technologies propres permettent aux pays d’imposer l’utilisation des meilleures technologies disponibles pour réduire les émissions de GES dans l’ensemble de la chaîne de valeur des opérations extractives. Ces dispositions sont conçues pour veiller à ce que les processus extractifs et les technologies correspondent aux objectifs de transition à zéro émissions nettes et à ce qu’ils ne contribuent pas à augmenter les émissions. Par exemple, les technologies de télédétection peuvent aider les responsables des réglementations à mieux identifier, surveiller et mesurer les pratiques d’évacuation de gaz employées par les opérateurs, facilitant ainsi des décisions réglementaires éclairées qui préviennent efficacement les processus de torchage et d’évacuation de gaz. À l’ère de la transition énergétique et du changement climatique, il est essentiel d’inclure dans les contrats pétroliers des dispositions claires et spécifiques qui exigent des entreprises qu’elles recourent aux meilleures technologies propres et efficaces à disposition dans le cadre de leurs activités.11

L’argument en faveur de dispositions transparentes sur le transfert de technologies propres :
  • La divulgation des contrats permet aux citoyens d’établir si les entreprises se sont engagées à utiliser des technologies propres, particulièrement dans les contextes où les lois exigent ou encouragent de telles pratiques.
  • La transparence des contrats peut également susciter des discussions publiques sur la nécessité d’inclure ces obligations contractuelles et le choix des technologies utilisées dans les activités extractives.
  • La transparence dans ce domaine clarifie la manière dont les développeurs de projet prévoient de réduire l’empreinte carbone globale des chaînes de valeur de leurs entreprises énergétiques.

8. Procédures de résolution des différends

La plupart des contrats pétroliers contiennent des dispositions en matière d’arbitrage international.12 Toutefois, ces dispositions ne sont généralement pas adaptées pour résoudre les différends découlant de programmes de lutte contre le changement climatique et de transition énergétique. Au contraire, les différends dans le secteur pétrolier ont généralement été liés à des désaccords de la part de partenaires de coentreprise concernant la viabilité financière d’un projet, particulièrement les obligations de poursuite des investissements dans une entreprise suite à des changements sur le marché.

Lorsqu’elles figurent parmi d’autres clauses, telles que des clauses de stabilisation, les clauses d’arbitrage peuvent limiter la capacité du gouvernement hôte à mettre en œuvre des politiques sur la transition énergétique et le changement climatique. Les experts avertissent que le coût d’une procédure d’arbitrage peut dissuader certains gouvernements d’appliquer de nouvelles réglementations sur le climat aux projets existants.13

Pour remédier à ce problème, les dispositions contractuelles pourraient privilégier une résolution nationale accélérée des différends à titre de premier recours pour les litiges liés à la transition énergétique et à l’environnement. Cette approche permettrait aux pays hôtes et aux parties prenantes concernées de résoudre des différends dans un cadre qui correspond aux objectifs et aux aspirations du pays en matière de transition énergétique.14

L’argument en faveur de la transparence des contrats sur la résolution des différends :
  • La divulgation des procédures de résolution des différends pourrait aider les citoyens à comprendre si ces mécanismes sont structurés de manière à être rapides et s’ils favorisent le gouvernement ou le secteur privé.
  • La transparence de telles dispositions permettra également aux citoyens d’établir si les procédures de résolution des différends limitent l’application des politiques sur la transition énergétique aux projets existants compte tenu de coûts potentiels à long terme ou d’engagements à la conduite d’activités impliquant des énergies conventionnelles, où les politiques favorables au climat pourraient être restreintes.

9. Clauses de force majeure

Les clauses de force majeure exonèrent une partie à un contrat de ses obligations lorsque des événements extraordinaires ou imprévus, tels qu’une guerre, une catastrophe naturelle ou des blocages, l’empêchent d’exécuter le contrat. Les catastrophes naturelles dues au changement climatique, comme les inondations, ouragans et orages, peuvent considérablement perturber les activités d’extraction pétrolière, réduisant potentiellement les recettes qui auraient sinon été versées au Trésor national.

Bien que la plupart des accords pétroliers comprennent des clauses de force majeure, ces dispositions ne portent que rarement sur la manière de gérer les perturbations liées au changement climatique. Ce manque de clarté peut entraîner des conflits et accroître les risques, d’autant plus que la fréquence de ces événements augmente sous les effets du changement climatique. De plus, ces clauses peuvent involontairement limiter la capacité d’un gouvernement à mettre en œuvre de nouvelles réglementations destinées à faciliter la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique.15

L’invocation de dispositions de force majeure pourrait réduire et limiter les flux de recettes requis pour soutenir la diversification économique et le développement social dans les pays dépendants à l’égard des ressources. Compte tenu des prévisions selon lesquelles les perturbations liées au changement climatique s’intensifieront au cours des prochaines décennies, il est essentiel que les citoyens comprennent l’étendue des dispositions sur les cas de force majeure et leur impact potentiel sur les responsabilités des parties impliquées. Une révision de ces dispositions permettrait d’assurer que les exploitants sont mieux préparés à anticiper et à limiter de telles perturbations.

L’argument en faveur de dispositions transparentes sur les cas de force majeure :
  • La transparence dans les dispositions sur les cas de force majeure permet aux citoyens de comprendre que l’intensification prévue des événements météorologiques extrêmes liés au changement climatique pourrait amener les entreprises à déclarer plus fréquemment des cas de force majeure. Cela garantit que les parties touchées jouent un rôle central dans les décisions qui pourraient les affecter.
  • La divulgation des dispositions sur les cas de force majeure permet d’évaluer la nécessité de mesures proactives pour atténuer ou réduire les perturbations liées au changement climatique16 ou d’autres événements extrêmes.

  • 1

    Heffron, R. J., Foley, A. et Furszyfer Del Rio, D.D. (2024). « The role of justice is set to shift accountability and responsibility in the energy sector ». Nature Energy9. 910-912. Extrait de https://doi.org/10.1038/s41560-024-01544-4

  • 2

    Nalule, V.R. (2022). « What is the Problem with Stabilization Clauses in Petroleum Agreements? » Journal of Sustainable Development Law and Policy (The)13(1). 85-102. Extrait de https://doi.org/10.4314/jsdlp.v13i1.4.

  • 3

    En ce qui concerne la Tanzanie, voir l’Article 30(b) du modèle d’accord de partage de production de novembre 2004 entre le gouvernement de la République Unie de Tanzanie, Tanzania Petroleum Development Corporation et Abc Oil Company. S’agissant du Mozambique, voir les Articles 27.12 et 27.14 du contrat de concession d’exploration et de production de 2006 entre le gouvernement de la République du Mozambique, ENI East Africa SpA et Empresa Nacional di Hidrocarbonetos, EP pour la zone offshore 4 du bloc de Rovuma en République du Mozambique.

  • 4

    NRGI, 2021. « Tying Their Hands? How Petroleum Contract Terms May Limit Governments’ Climate Policy Flexibility ». Extrait de https://resourcegovernance.org/publications/tying-their-hands-how-petroleum-contract-terms-may-limit-governments-climate-policy.

  • 5

    Accord de partage de production (APP) pour l’exploration, le développement et la production de pétrole en République d’Ouganda par et entre le gouvernement de la République de l’Ouganda et Tullow Uganda Limited couvrant la zone d’intérêt de Kanywataba, février 2012. Extrait de https://africaoilgasreport.com/2015/07/oil-and-gas-contracts/uganda-kanywataba-psc-for-tullow/.

  • 6

    Article 36 de l’APP de 2017 entre BP Exploration, Kosmos Energy Côte d’Ivoire et Petroci Holding couvrant le bloc CI-603. Extrait de https://resourcecontracts.org/contract/ocds-591adf-9188516395/view#/.

  • 7

    Heffron, R.J. (2024). Green Jobs and Just Transition: The Role of Green Employment in Advancing a Sustainable Future. Heinrich Böll Foundation Tel Aviv. Extrait de https://il.boell.org/en/2024/06/18/green-jobs-and-just-transition

  • 8

    Agence internationale pour les énergies renouvelables (2023). « Accelerated Energy Transition Can Add 40 million Energy Sector Jobs by 2050 ». Extrait de https://www.irena.org/News/pressreleases/2023/Nov/Accelerated-Energy-Transition-Can-Add-40-million-Energy-Sector-Jobs-by-2050.

  • 9

    Heffron, R. J. (2018). « Energy law for decommissioning in the energy sector in the 21st century ». Journal of World Energy Law & Business, 11(3). 189-195. Extrait de https://doi.org/10.1093/jwelb/jwy013.

  • 10

    Leeks, A., Smith, S., Tonova, S. et- Wallach, D. (23 octobre 2021). « Offshore Oil And Gas Field Decommissioning: Disputes And Other Challenges ». Mondaq. Extrait de https://www.mondaq.com/unitedstates/oil-gas-electricity/1123876/offshore-oil-and-gas-field-decommissioning-disputes-and-other-challenges.

  • 11

    Pour Trinité-et-Tobago, voir l’Article 23 : « Materials and Equipment Import Duties of the Deep Onshore Model Production Sharing Contract », 2006.

  • 12

    En ce qui concerne le Ghana, voir l’Article 24 du modèle d’accord pétrolier du Ghana (17/8/2000) ; pour Trinité-et-Tobago, voir l’Article 33 du modèle de contrat de partage de production en profondeur à terre, 2006 ; pour l’Ouganda, voir l’Article 26 de l’accord de partage de production pour l’exploration, le développement et la production de pétrole en République de l’Ouganda par et entre le gouvernement de la République de l’Ouganda et Uganda Limited relativement à la zone d’exploration 1, février 2012.

  • 13

    NRGI, 2021. « Tying Their Hands? How Petroleum Contract Terms May Limit Governments’ Climate Policy Flexibility ».

  • 14

    Bien que les clauses d’arbitrage soient courantes dans les contrats pétroliers, les litiges liés au changement climatique ont augmenté récemment entre les entreprises pétrolières et diverses parties prenantes.

  • 15

    Voir, par exemple, l’Article 22 de l’accord de concession de 2016 entre ENI Ghana Exploration & Production Limited, Vitol Upstream Tano Limited, Woodfields Upstream Limited, Ghana National Petroleum Corporation et Explorco couvrant le bloc 4 du Cap des Trois-Pointes.

  • 16

    Alternativement, les parties pourraient envisager des mécanismes et une couverture d’assurance ciblant les pertes économiques possibles dues au changement climatique.