Introduction
La Norme ITIE exige la divulgation des bénéficiaires effectifs des entreprises extractives . Les Groupes multipartites ont un rôle important à jouer pour faire en sorte que ces divulgations soient complètes et véritables. Que les données relatives aux bénéficiaires effectifs soient recueillies et publiées par une agence gouvernementale ou dans le cadre du processus ITIE, le Groupe multipartite doit veiller à ce que ces déclarations soient conformes à la Norme ITIE, évaluer les lacunes et les faiblesses et trouver des moyens de renforcer ces déclarations.
La présente note d’orientation propose une approche étape par étape pour aider les Groupes multipartites à identifier les solutions les mieux adaptées pour rendre effectives les déclarations relatives aux bénéficiaires effectifs dans leur contexte. La note liste également des ressources complémentaires sur la mise en œuvre des déclarations relatives aux bénéficiaires effectifs, notamment sur les approches juridiques, la collecte, la vérification et la publication des données.
Supervision des déclarations relatives aux bénéficiaires effectifs par le Groupe multipartite
Étape 1 : Passer en revue les politiques et les pratiques actuelles
La première étape consiste à passer en revue les politiques et les pratiques existantes en matière de déclarations relatives aux bénéficiaires effectifs, ainsi que toutes les réformes prévues ou en cours. Ces politiques et pratiques peuvent être propres au secteur extractif ou s’appliquer à toutes les entreprisesPar exemple, les documents exigés pour l’enregistrement d’une entreprise ou les exigences documentaires pour les déclarations relatives aux bénéficiaires effectifs dans les processus d’appels d’offres et les registres de licences pour les projets extractifs.. En examinant les dispositions légales pertinentes et les pratiques réelles de collecte et de publication des données, le Groupe multipartite pourra envisager différents moyens de compléter les systèmes de déclaration existants et identifier les mesures supplémentaires nécessaires pour garantir l’exhaustivité et la fiabilité des déclarations concernant le secteur extractifHideSe référer à certaines des recommandations du document de l’ITIE intitulé « Analyse juridique du concept de transparence de la propriété effective dans les pays ITIE », . Il pourrait être nécessaire pour le Groupe multipartite de consulter les organismes gouvernement qui ne sont pas typiquement engagées dans le processus ITIE (par exemple la registre des sociétés, la commission d’investissement, l’unité d’intelligence financière, etc…).
Il est également utile de mentionner que les informations relatives aux bénéficiaires légaux et à la participation au capital des entreprises extractives doivent aussi être publiées. Un bénéficiaire légal est un actionnaire direct de l’entreprise et il peut par exemple s’agir d’une autre entité commerciale. Un bénéficiaire effectif est obligatoirement une personne physique.
Le Groupe multipartite doit consigner ses discussions et ses décisions. La politique du gouvernement doit également être documentée, par exemple dans le Rapport ITIE, à moins qu’elle ne soit déjà publiquement disponible ailleurs.
Voici quelques questions sur lesquelles le Groupe multipartite pourrait se pencher dans un premier temps :
- Quelles sont les organismes gouvernement qui collectent et maintiennent (ou ont la capacité de collecter et maintenir) des informations sur la propriété effective des compagnies, y compris celles qui opèrent dans les secteurs du pétrole, du gaz et minier ?
- Quelles sont les informations que les entreprises doivent actuellement communiquer au gouvernement s’agissant de leurs bénéficiaires légaux et effectifs lors de leur enregistrement dans le pays ?
- Quelles sont les informations que les entreprises doivent actuellement communiquer au gouvernement s’agissant de leurs bénéficiaires légaux et effectifs lorsqu’elles sollicitent une licence ?
- Dans quelle mesure les informations relatives aux bénéficiaires légaux et effectifs des entreprises extractives sont-elles déjà disponibles publiquement dans les rapports publiés par le gouvernement ou les entreprises ?
- Des réformes juridiques et réglementaires pertinentes sont-elles prévues ou en cours qui pourraient permettre d’intégrer dans les instruments juridiques nationaux des exigences en matière de divulgation des bénéficiaires effectifs ?
Étape 2 : Convenir d’une définition des « bénéficiaires effectifs »
Le Groupe multipartite doit s’accorder sur la définition des « bénéficiaires effectifs ». L’Exigence 2.5 précise que les bénéficiaires effectifs « sont) la (ou les) personne(s) physique(s) qui, directement ou indirectement, possède(nt) ou exerce(nt) en dernier ressort le droit de propriété ou le contrôle de l’entité juridique ». Toutefois, les définitions du contrôle et des seuils qui s’y rapportent varient d’un pays à l’autre.
Si la réglementation pertinente prévoit déjà une définition des bénéficiaires effectifs, le Groupe multipartite pourra choisir d’adopter cette définition, en la prenant comme point de départ ou en discutant si les définitions pré-existantes sont adéquates pour l’objectif de collecte et de divulgation des données sur la propriété effective. Les normes internationales, telles que celles établies par le Groupe d’action financière, doivent également être prises en compte lors de l’adoption de la définition. Celle-ci doit prévoir des seuils de participation, c’est-à-dire définir clairement quel niveau de participation ou de contrôle constitue une obligation de déclaration et quels sont les indicateurs utilisés pour délimiter ces seuils.
Le Groupe multipartite doit également définir les personnes politiquement exposées (PPE) et préciser les obligations de déclaration qui leur incombent. Le Groupe multipartite doit déterminer si la législation nationale en matière de lutte contre le blanchiment d’argent comprend déjà une définition des PPE. Ces discussions, ainsi que les décisions du Groupe multipartite, doivent être clairement documentées, par exemple dans les procès-verbaux des réunions du Groupe multipartite ou dans le Rapport ITIE.
Le Groupe multipartite souhaitera éventuellement se référer aux autres documents d’orientations relatifs à l’adoption de définitions adaptées concernant les bénéficiaires effectifs.
Étape 3 : Conception des déclarations et collecte des données
3.1 Identifier les entreprises concernées
Lorsque le Groupe multipartite a acquis une bonne compréhension de la situation actuelle et des réformes à venir et qu’il s’est mis d’accord sur une définition des bénéficiaires effectifs, il est prêt à se pencher sur les déclarations.
Avant de décider de la manière de collecter les informations sur les bénéficiaires effectifs, le Groupe multipartite doit se familiariser avec les entreprises auxquelles l’exigence s’applique. Ces informations peuvent généralement être obtenues à partir du registre des licences et du registre des sociétés. Le registre des licences doit lister l’ensemble des titulaires de licences, tandis que le registre des sociétés peut contenir des informations indiquant s’il s’agit de sociétés privées ou de sociétés cotées en bourse.
Les entités juridiques tenues de fournir des informations sur les bénéficiaires effectifs sont celles qui demandent ou détiennent une participation dans une licence ou un contrat d’exploration ou d’exploitation de mines ou d’hydrocarbures. Toutes les entités participant à une opération conjointe sont obligées de divulguer le nom de leurs bénéficiaires effectifs. En substance, l’exigence couvre tous les titulaires de licence actuels ou futurs. Toutefois, les sociétés cotées en bourse et leurs filiales détenues à 100 % sont uniquement tenues de divulguer le nom de la bourse et d’inclure un lien vers les documents de la bourse où elles sont cotées.
3.2 Concevoir les déclarations
Le Groupe multipartite doit en premier lieu consulter les organismes gouvernementaux concernés pour savoir quel type de données ils collectent déjà, afin de construire sur les systèmes de divulgation existants. Il est possible que le registre des sociétés contienne déjà des informations relatives aux bénéficiaires effectifs. Si le gouvernement recueille déjà des données sur les bénéficiaires effectifs des entreprises extractives, la meilleure façon de procéder est probablement de demander aux entreprises l’autorisation de publier ces données. Il est important de s’assurer que les données couvrent réellement les bénéficiaires effectifs et pas seulement les actionnaires.
Si les données ne sont pas actuellement recueillies, le Groupe multipartite peut décider de demander à un organisme gouvernemental ou à l’Administrateur Indépendant de les obtenir auprès des entreprises. Le Groupe multipartite, en collaboration avec le secrétariat national, pourrait également collecter les données lui-même ou rechercher des informations supplémentaires pour compléter les divulgations existantes qui ne répondent pas aux dispositions de l’Exigence 2.5. En convenant d’une approche pour la collecte de données, le Groupe multipartite et l’organisme gouvernemental responsable doivent prendre en considération le nombre d’entreprises auxquelles s’applique l’exigence. Dans certains pays, cette exigence ne s’applique qu’à quelques entreprises, tandis que d’autres comptent des milliers de titulaires de licences.
Les informations sur la propriété effective peuvent être publiées, par exemple, dans un registre des sociétés, un registre des licences, un registre spécifique des bénéficiaires effectifs, le site internet local de l’ITIE ou un Rapport ITIE. L’attente par défaut est que les pays de mise en œuvre publient des informations sur la propriété effective à travers les systèmes de divulgation des compagnies et gouvernementaux, tandis que les Rapports ITIE devraient être utilisé pour fournir des informations additionnelles sur le contexte et traiter d’écarts ou préoccupations relatives à la qualité des données. Le Groupe multipartite doit collaborer étroitement avec les agences gouvernementales concernées lors de la conception des déclarations afin de s’assurer que celles-ci complètent et facilitent la collecte et la divulgation de routine des informations sur les bénéficiaires effectifs. Les informations doivent être publiées dans un format accessible, idéalement sous forme de données ouvertes exploitables par ordinateur . Là où les données sur la propriété effective accessible au public est limitée ou où les systèmes sont en cours d’installation pour faciliter des divulgations dans le futur, l’information pourra aussi être divulguée à travers le site ITIE national ou un Rapport ITIE.
Indépendamment de l’entité qui recueille les informations et de la manière dont elles sont divulguées, il est important que le Groupe multipartite veille à ce que les entreprises fournissent tous les éléments d’informations énumérés à l’Exigence 2.5. Il s’agit notamment du nom du bénéficiaire effectif, de sa nationalité, de son pays de résidence, de son statut éventuel de personne politiquement exposée, de son degré de participation au capital et des modalités d’exercice de son contrôle ou de sa participation. Il est également recommandé de divulguer le numéro d’identité national, la date de naissance, l’adresse privée ou professionnelle et les coordonnées.
3.3 Garantir la fiabilité et l’exhaustivité des données
Le Groupe multipartite doit mettre en place des garanties contribuant à assurer la fiabilité des données relatives aux bénéficiaires effectifs, y compris l’entité responsable de réviser les données soumises par les entreprises. Il peut par exemple s’agir d’exiger des entreprises qu’elles certifient l’exactitude des données du formulaire de déclaration des bénéficiaires effectifs par la signature d’un membre de l’équipe de direction ou d’un conseiller juridique principal, ou qu’elles transmettent des documents justificatifs. Si le gouvernement recueille déjà des données sur les bénéficiaires effectifs, le Groupe multipartite doit examiner les mécanismes de garantie existants et déterminer s’ils sont adéquatsHidePour plus d’informations sur la vérification des données, se référer ici. . Cette discussion et la décision du Groupe multipartite doivent être documentées.
Si le Groupe multipartite gère la collecte des données sur les bénéficiaires effectifs, il doit convenir du modèle de collecte des données. Un modèle est disponible sur le site web de l’ITIE. Si les informations sont recueillies par une agence gouvernementale, le Groupe multipartite pourra envisager de soutenir cette agence, par exemple en révisant les procédures de collecte de données, en partageant le modèle de collecte de données et en contactant les entreprises.
D’autres conseils en matière de collecte de données et une proposition de texte standard sur les bénéficiaires effectifs dans les TdR de l’Adminstrateur Indépendant sont disponibles sur le site internet de l’ITIE. OpenOwnership a développé un modèle de formulaire sur les bénéficiaires effectifs que certains pays ITIE ont choisi d’utiliser pour leurs divulgations.
3.4 Contacter les entreprises
L’exigence relative à la divulgation des bénéficiaires effectifs s’applique à des entreprises qui ne connaissent pas nécessairement bien le processus de déclaration de l’ITIE. Le Groupe multipartite doit veiller à ce que les entreprises extractives soient informées de l’objectif de transparence en matière de bénéficiaires effectifs et des exigences de divulgation qui leur sont applicables. Les associations industrielles peuvent jouer un rôle important à cet égard. Le Groupe multipartite peut envisager de rédiger des instructions à l’intention des entreprises sur la déclaration des bénéficiaires effectifs ou soutenir l’agence gouvernementale responsable dans ce travail. Pour garantir une divulgation complète, il est important de convenir d’un mécanisme de soutien aux entreprises qui rencontrent des difficultés à communiquer les données. En particulier dans les cas où le cadre juridique n’exige pas la divulgation des bénéficiaires effectifs, la demande d’information doit être accompagnée d’une lettre d’un haut fonctionnaire du gouvernement, expliquant pourquoi cette information est demandée par les entreprises et la valeur de la divulgation de cette information.
Dans les pays où l’Exigence 2.5 est applicable à des centaines, voire des milliers d’entreprises, il est conseillé au Groupe multipartite de hiérarchiser ses efforts de sensibilisation. Le Groupe multipartite peut par exemple cibler les entreprises qui détiennent ou sollicitent une licence pour des matières premières de grande valeur ou sujettes à la corruption. Les pays de mise en œuvre sont tenus de demander des données sur les bénéficiaires effectifs à toutes les entreprises extractives qui détiennent ou sollicitent des licences. S’il n’est pas possible de contacter chaque entreprise en raison du grand nombre d’entités juridiques, le Groupe multipartite ou l’agence gouvernementale responsable peuvent envisager de demander des divulgations à l’aide de moyens de communication de masse et de contacter directement un nombre limité d’entreprises.
Étape 4 : Examiner les déclarations
Les pays de mise en œuvre sont tenus de divulguer toute lacune ou faiblesse importantes dans la communication des informations sur les bénéficiaires effectifs, y compris en désignant les entités qui n’ont pas communiqué tout ou partie des informations requises. Le Groupe multipartite joue un rôle clé à cet égard.
Il est recommandé à celui-ci de se pencher sur les questions suivantes et de garder une trace des débats :
- Les sociétés cotées en bourse et leurs filiales détenues à 100 % ont-elles divulgué le nom de la bourse et fourni un lien vers les documents de la bourse où elles sont cotées ? Les obligations de divulgation de ces bourses garantissent-elles la disponibilité des informations sur les bénéficiaires effectifs ?
- Toutes les personnes morales détenant ou sollicitant une licence d’exploration et d’extraction ont-elles divulgué des informations sur les bénéficiaires effectifs, y compris tous les partenaires participant à une opération conjointe ? Une liste des entreprises non déclarantes a-t-elle été publiée ?
- Les bénéficiaires effectifs déclarés sont-ils des personnes physiques ? Les entreprises déclarantes ont-elles divulgué tous leurs bénéficiaires effectifs ?
- Tous les éléments d’information définis par le Groupe multipartite ont-ils été publiés ? Ces éléments permettent-ils d’identifier les bénéficiaires effectifs ?
- Les personnes politiquement exposées sont-elles clairement identifiées parmi les bénéficiaires effectifs ?
- Le niveau de participation et les modalités d’exercice du contrôle sont-ils divulgués ? Les seuils convenus semblent-ils appropriés ?
- Les lacunes dans les informations sur les bénéficiaires effectifs affectent-elles de manière significative l’exhaustivité et l’efficacité des divulgations ?
- Les entreprises ont-elles respecté les garanties convenues par le Groupe multipartite ou l’agence gouvernementale responsable ? Ces garanties semblent-elles suffisantes pour assurer l’exactitude des informations sur les bénéficiaires effectifs ?
- L’approche adoptée pour mettre à jour des informations sur les bénéficiaires effectifs est-elle adéquate pour garantir la disponibilité d’informations précises et en temps opportun ? Les changements de bénéficiaires effectifs sont-ils clairement enregistrés ?
- Les informations sur les bénéficiaires effectifs sont-elles divulguées dans un format accessible et utilisable ? Y a-t-il des obstacles à l’accès aux données ?
- Des informations sur les bénéficiaires légaux et leur niveau de participation au capital des entreprises sont-elles accessibles au public ?
Le nombre d’entreprises extractives non cotées en bourse varie grandement d’un pays ITIE à l’autre. Dans les pays où ce nombre est élevé, le Groupe multipartite peut envisager d’adopter une approche basée sur le risque pour examiner les divulgations relatives aux bénéficiaires effectifs. Celle-ci permet au Groupe multipartite d’évaluer si les divulgations englobent réellement les entreprises les plus pertinentes et d’orienter les efforts ultérieurs pour combler les lacunes.
Cet inventaire peut notamment se fonder sur le type de licence, l’année d’attribution ou de transfert de la licence, le propriétaire légal, le produit et/ou la valeur de l’actif. Dans certains pays, la corruption relative à un type de matière première peut être plus commune que pour d’autres cas. Le processus d’attribution des différents types de licences peut varier, certaines étant attribuées de manière plus transparente et plus concurrentielle que d’autres. Si les opérations conjointes sont fréquentes dans un secteur, le Groupe multipartite souhaitera peut-être donner la priorité à l’exhaustivité des déclarations relatives aux bénéficiaires effectifs des entreprises opérant dans ce secteur. Les sociétés qui sont détenues par une autre société dans une juridiction offshore et qui n’ont pas divulgué le nom d’un bénéficiaire effectif peuvent présenter un intérêt particulier pour le Groupe multipartite.
Ce dernier peut également recouper les informations sur les bénéficiaires effectifs avec d’autres divulgations ITIE. Le Groupe multipartite peut souhaiter vérifier si toutes les entreprises qui ont obtenu des licences ou participé à un transfert de licence au cours de l’année considérée ont divulgué des informations sur les bénéficiaires effectifs. Il en va de même si le Groupe multipartite identifie une entreprise dont les paiements au gouvernement se sont avérés inférieurs aux prévisions. En bref, l’évaluation fondée sur les risques se basera sur différents critères d’un pays à l’autre, et le processus s’appuiera sur l’expertise des membres du Groupe multipartite dans le secteur. Le Groupe multipartite peut également s’inspirer des évaluations menées par des organisations internationales telles que le Groupe d’action financière et l’OCDE.
Il doit convenir d’une marche à suivre pour combler les lacunes et les faiblesses identifiées. Il peut, par exemple, contacter les entreprises pour leur demander des informations ou des garanties supplémentaires, alerter les agences gouvernementales responsables sur les lacunes et les faiblesses et revoir la procédure de collecte des données. Il est important que le Groupe multipartite documente ses discussions sur les lacunes et les faiblesses, ainsi que les actions et les recommandations convenues pour y remédier.