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Défi n°3 : révéler l’identité de ceux qui sont les réels propriétaires des sociétés extractives

L’identité des véritables propriétaires – « les propriétaires réels » – des sociétés qui ont obtenu des droits d’extraction de pétrole, de gaz et de minéraux est souvent inconnue, cachée par une chaîne de sociétés-écrans sans aucune redevabilité. Ce problème a des répercussions sur d’autres secteurs et contribue souvent à alimenter la corruption et l’évasion fiscale. Une série d’initiatives ont été prises au sein du G8, du G20 et de l’OCDE pour encourager les pays à exiger que les véritables propriétaires des sociétés soient clairement identifiés. Ce sont surtout les populations qui vivent dans des pays riches en ressources naturelles qui risquent d’être pénalisées par cette situation, car les revenus issus des activités extractives sont souvent mal répartis en raison de la corruption.

Il a été estimé que les pays en développement perdent chaque année 1 000 milliards de dollars US à cause de la corruption et des transactions illégales, dont beaucoup sont le fait de sociétés-écrans anonymes[1]. En 2013, les représentants de l’Africa Progress Panel ont indiqué que, pendant la période de 2010 à 2012, la République démocratique du Congo (RDC) a perdu au moins 1,36 milliard de dollars US dans cinq contrats miniers dissimulés derrière une structure corporative complexe et secrète[2]. Selon les Rapports ITIE de la RDC, ce montant équivaut à peu près à celui que le pays a obtenu comme recettes moyennes annuelles provenant du pétrole, du gaz et de l’extraction minière au cours de la même période. La divulgation de la propriété réelle aidera à réduire les risques d’irrégularités financières.

Au cours des trois dernières années, un grand élan a été imprimé à la lutte contre le secret qui entoure les véritables propriétaires de sociétés. Le G8 et le G20 ont fait de la transparence en matière de propriété réelle une priorité clé. L’UE a demandé à ses États membres de créer des registres. Plusieurs pays ont adopté une législation nationale et travaillent à l’établissement de registres publics. Pourtant, à ce jour, il y a relativement peu de renseignements sur la propriété réelle qui sont ouvertement révélés. L’ITIE est l’une des rares organisations à être parvenue à obtenir des résultats concrets grâce à la collecte annuelle et la publication d’informations utiles dans ses rapports. À ce jour, 27 pays ont commencé à se pencher sérieusement sur la question de la propriété réelle. De ce nombre, 22 pays ont déjà demandé aux sociétés pétrolières, gazières et minières qui mènent des activités d’extraction sur leur territoire de dévoiler l’identité de leurs propriétaires. Les résultats sont mitigés. Seuls huit pays qui ont réussi à faire une ou plusieurs sociétés s’y conformer.

Alors que le Conseil a encore un long chemin à parcourir pour rendre ces informations complètes et compréhensibles, plus d’une douzaine de Rapports ITIE ont maintenant permis de formuler des recommandations précises aux gouvernements des pays riches en ressources naturelles, les invitant à instituer des registres publics de propriétaires réels. La lutte contre le secret corporatif est donc en train d’avancer dans les pays membres de l’ITIE.

Le projet de nouvelle Norme ITIE 2016 comporte des dispositions proposant que la divulgation de la propriété réelle devienne obligatoire pour les pays mettant en œuvre l’ITIE. À partir du 1er janvier 2020, toutes les sociétés présentes dans les pays membres de l’ITIE devront communiquer le nom et l’identité des propriétaires d’entreprises qui soumissionnent pour des projets d’extraction, réalisent des investissements dans ces projets ou se livrent à des opérations. De cette façon, l’ITIE devrait contribuer très sensiblement au renforcement du mouvement mondial contre les sociétés-écrans anonymes. Bien que personne ne doute combien la direction que prend l’ITIE à cet égard est importante, l’on ne peut sous-estimer les efforts qu’elle demandera. Comme l’un de nos membres représentant les pays mettant en œuvre l’ITIE l’a rappelé au cours de notre réunion à Kiev : « Nul ne doute du caractère pertinent de cette réforme, mais la collecte et le classement d’informations relatives à la propriété réelle aboutiront pour notre gouvernement à une importante réforme institutionnelle. Elle nécessitera des concertations entre les agences gouvernementales et d’éventuelles modifications de la législation, dont le calendrier d’adoption se situera évidemment hors du contrôle de l’ITIE ». Le Royaume-Uni a entrepris d’assurer le leadership du mouvement en faveur de la divulgation de la propriété réelle, mais il y a maintenant près de trois ans que le gouvernement a pris son premier engagement dans ce sens, et le registre public n’a toujours pas été créé. L’ITIE doit éviter d’exiger de ses membres des réformes comportant des délais de mise en œuvre trop courts et donc impossibles à mener d’un point de vue pratique. De nombreux pays auront besoin d’appui et d’assistance technique pour pouvoir avancer.

Bien sûr, rendre l’information sur les propriétaires d’entreprises extractives accessibles à tous ne constitue que la moitié du travail. L’ITIE et tout particulièrement les représentants de la société civile dans les pays qui la mettent en œuvre devront ensuite examiner très attentivement la signification des données collectées et déterminer comment les utiliser de manière effective. Une transparence accrue en matière de propriété réelle est susceptible de révéler des malversations passées et de rendre ces comportements moins probables à l’avenir. Encourager la prise de mesures en vue de contrôler les malversations et empêcher qu’elles ne se produisent à l’avenir n’est toutefois pas une tâche facile. Les membres du Groupe multipartite devront travailler dur pour sensibiliser les parlementaires, les journalistes, les universitaires et d’autres groupes qui guident l’opinion publique dans leurs pays respectifs, afin que des mesures correctives soient prises.