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Fin du super-cycle des matières premières : une occasion a-t-elle été manquée ?

Depuis plusieurs décennies, les universitaires et le grand public s'étonnent de l'incapacité des pays riches en ressources naturelles à transformer en développement les revenus provenant de ces ressources. Aussi désignée comme la "malédiction des ressources", "paradoxe de l'abondance", "excrément du diable" entre autres expressions éloquentes, cette incapacité a déjà suscité une infinité d'heures de réflexion, de statistiques et de matière grise. Chacun est tenté de perdre espoir. Alors que s'achève le dernier boom des ressources naturelles, ce sentiment d'insatisfaction refait cruellement surface. Que s'est-ilencorepassé ? Lorsque cette période de prospérité a débuté il y a une douzaine d'années, nous pensions avoir appris de nos erreurs. Alors, pourquoi tous les pays n'ont-ils pas appliqué les leçons du passé ?

Au début du millénaire, les économistes avaient beaucoup appris sur la recherche de rente, la maladie hollandaise et la volatilité des prix des matières premières, ainsi que sur d'autres distorsions macroéconomiques et sur le lien entre les conflits et les richesses tirées des ressources naturelles. Les problèmes éventuels et leurs solutions avaient été identifiés. Pourtant, les pays riches en ressources naturelles ne se sont pas tous comporté de la même manière. Dans son discours donné récemment à Oxford, M. Paul Collier suggérait que l'accumulation d'actifs était la principale mesure à prendre pour bénéficier du boom et citait en exemple le Botswana et la Norvège. MM. Andrew Bauer et David Mihalyi indiquaient récemment sur le blog du NRGI que le respect des bonnes pratiques fiscales (stabilité fiscale, contrôle des budgets et économies) était commun à tous les exemples de réussite sur le dernier boom.

Le principe de l'accumulation d'actifs observé par M. Collier n'est pas une nouveauté. M. Arturo Uslar-Prieti, probablement l'un des plus grands penseurs vénézuéliens du 20siècle déclarait en 1936 que le Venezuela devait « semer le pétrole ». Ses propos ont été repris par les économistes pendant des décennies au sujet de l'extraction des minerais : il s'agit de destiner un type de capital à un autre, celui-ci pouvant prendre une forme physique (infrastructures), humaine (population éduquée et en bonne santé) ou économique (épargne pour les périodes de vaches maigres). MM. Bauer et Mihalyi soulignent que la détermination politique des dirigeants et le consensus présent dans les pays les plus démocratiques expliquent en grande partie la sagesse des pratiques fiscales dans des pays comme la Norvège, le Pérou et le Timor oriental.

La question est alors de savoir pourquoi la plupart des décideurs n'ont pas fait de l'accumulation d'actifs une priorité ni adopté des pratiques fiscales plus responsables au cours de la dernière décennie. Il est fort probable que les réponses citent la persistance de la recherche de rente, la désillusion liée à des attentes irréalistes et le manque de volonté politique sur la tentation de remplir les caisses de l'État avec des revenus découlant d'une aubaine économique. Force est donc de constater que les décideurs ont bien souvent omis d'appliquer les bonnes pratiques recommandées au début du dernier cycle.

De même, au début du millénaire, beaucoup de personnes ont indiqué que des mesures devaient être prises en matière de transparence et de redevabilité afin d'améliorer la prise de décision. Le principe 4 de l'ITIE (tel qu'adopté il y a une douzaine d'années) avait identifié ce qui suit : «[...] la compréhension du public des recettes et des dépenses des gouvernements dans la durée est susceptible de contribuer au débat public et de faciliter le choix d'options appropriées et réalistes favorisant le développement durable ». Aujourd'hui, près de 50 pays mettent en œuvre la Norme ITIE. La transparence et la redevabilité sont utilisées pour éclairer la prise de décision. Tout ne se fait pas en une décennie et l'ITIE a probablement empêché que soient prises des décisions néfastes. Nous devons continuer sur notre lancée. Comme beaucoup l'ont dit, notamment M. Collier : « l'ITIE est un bon point de départ, mais ce n'est pas un but en soi ».

 

Francisco Paris est vénézuélien et occupe la fonction de directeur régional pour l'Amérique latine et les Caraïbes au sein du Secrétariat international de l'ITIE. M. Paris a soutenu sa thèse à la London School of Economics sur l'incapacité des institutions vénézuéliennes à empêcher le gaspillage des revenus du pétrole pendant la période allant de 1975 à 2005.