Qui en bénéficie ? Tirer parti des données sur la propriété des entreprises pour réduire la corruption
Comment les données sur propriété effective sont utilisées dans les juridictions à travers le monde pour prévenir et détecter la corruption.
Que peuvent avoir en commun six parcs éoliens en Argentine, une fosse à déchets en Ukraine et un terrain de golf au Royaume-Uni ? Chacun d’eux a été lié à un cas de corruption présumée. Dans tous ces cas, les données des registres gouvernementaux relatives à la propriété effective ont aidé à répondre à une question cruciale : qui en bénéfice.
Ces cas ainsi que d’autres sont traités dans une nouvelle note de politique publiée dans le cadre du programme Opening Extractives intitulé « Qui en bénéficie ? Comment les données sur la propriété des entreprises sont utilisées pour détecter et prévenir la corruption ». Il démontre le potentiel des données sur la propriété des entreprises permettant de contester ceux qui cherchent à abuser de leurs positions à des fins personnelles, en illustrant trois manières d’utiliser les données sur la propriété effective dans les juridictions à travers le monde pour prévenir et détecter la corruption.
1. Enquêter sur la corruption, en suivant l’argent
Les entreprises anonymes peuvent mener à une impasse dans les enquêtes sur la corruption. Les informations sur la propriété des entreprises fournissent une pièce essentielle du puzzle pour aider les unités d’enquête financière, les forces de l’ordre et les journalistes à suivre l’argent. Dans de nombreux cas, ces demandes impliquent le traçage des transactions d’un compte bancaire à un autre pour associer des flux financiers à des individus. Ils testent des approches novatrices fondées sur les données relatives à ce travail, telles que l’utilisation d’outils en ligne qui combinent des ensembles de données comme la plateforme Aleph du Projet de rapportage de criminalité organisée et de corruption.
Exemple concret : le Centre d’intelligence financière (FIC) de la Zambie consulte quotidiennement le registre de la propriété effective de ce pays dans le cadre d’une pratique standard, lancée en 2019. Outre les informations sur les actionnaires et les administrateurs, les déclarations de propriété effective fournissent une dimension supplémentaire dans l’identification des liens entre les individus et les entités, ce qui génère des pistes et aide les analystes du FIC à appréhender toute la portée d’une enquête. Bien que le FIC effectue sa propre vérification des informations, il accueille favorablement les efforts déployés visant à améliorer l’exactitude des informations sur le registre, car cela leur permettra probablement d’économiser du temps – un atout précieux dans les enquêtes.
2. Réduire les risques de corruption par une prise de décisions informée
Chaque jour, les gouvernements et les entreprises prennent des décisions sur la manière d’allouer des ressources, sur les personnes avec lesquelles faire affaire et sur les initiatives où ne pas investir. L’accès à l’information sur les véritables propriétaires d’entreprises peut faire apparaître des signaux d’alarme qui échappent à des contrôles plus superficiels, ce qui permet de prendre des décisions en matière de marchés publics, d’octroi de licences et de diligence raisonnable à l’égard des entreprises, mieux informées par la visibilité des risques potentiels. L’utilisation des données dans la prise de décisions présente l’avantage supplémentaire d’aider à identifier la fraude. Par exemple, le Bureau du cadastre minier du Nigeria a augmenté ses revenus de manière considérable en utilisant les données sur la propriété effective pour filtrer les demandes de licence venant d’individus n’ayant pas précédemment réglé des frais de service.
Exemple concret : L’équipe de développement commercial d’un fabricant international d’équipement minier opérant en Zambie a régulièrement utilisé les informations sur la propriété effective pour mener une diligence raisonnable des clients à l’égard des entreprises minières artisanales qui cherchent à acheter de l’équipement, y compris pour effectuer des contrôles de corruption potentielle. Le fabricant a refusé de soumettre des offres à des entreprises dans les cas où il a découvert des données indiquant que les actionnaires et les bénéficiaires effectifs de ces entreprises étaient politiquement affiliés. Il s’agissait d’une raison suffisante pour cesser immédiatement l’activité. Ils ont également refusé de soumettre des offres lorsqu’il existait des signes d’utilisation de sociétés-écrans.
3. Analyser les données pour fournir des perspectives sur la lutte contre la corruption et leur impact
Les analyses utilisant les données sur la propriété effective peuvent améliorer la compréhension des modèles et des comportements pouvant indiquer des pratiques de corruption. De telles analyses offrent de nouvelles perspectives sur la manière dont les acteurs corrompus explorent et exploitent les systèmes financiers et économiques. Les acteurs politiques peuvent également utiliser les données qu’ils détiennent pour aider à comprendre l’efficacité des régimes de divulgation dans le soutien des objectifs de lutte contre la corruption. Par exemple, les sociétés en commandite écossaise (SLP) n’étaient pas tenues de divulguer des données au registre britannique lors de sa création en 2016. Une analyse ultérieure a montré que le nombre de nouveaux SLP a presque doublé au cours de l’année qui a suivi le lancement du registre, et des enquêtes ont montré que le type d’entité juridique avait été utilisé pour le blanchiment d’argent. Le gouvernement les a ramené dans le champ d’application des règles de transparence en matière de propriété effective en 2017.
Exemple concret : Transparency International UK a récemment utilisé une analyse de données en vrac sur la propriété des sociétés en nom collectif à responsabilité limitée du Royaume-Uni pour formuler des recommandations au gouvernement britannique en faveur d’un renforcement de leur approche envers la lutte contre le blanchiment d’argent. Celles-ci comprenaient des appels à accroître le rôle de la Companies House pour assurer l’exactitude des données et vérifier les preuves d’identité. L’analyse a porté sur plus de 50 cas de corruption et de blanchiment d’argent représentant environ 730 milliards de dollars US de transactions suspectes pour identifier les caractéristiques indiquant des abus potentiels par des sociétés en nom collectif à des fins de délits financiers graves, notamment à travers la présence de modèles d’informations spécifiques sur la propriété effective.
Quelle est la prochaine étape ? Accroître l’utilisation des données sur la propriété effective dans la lutte contre la corruption
Les gouvernements et la société civile reconnaissent l’importance de la transparence des individus qui possèdent les entreprises et en bénéficient pour lutter contre la corruption politique et la kleptocratie. Dans les pays riches en ressources, l’éradication de la corruption dans le secteur extractif peut aider à résoudre certains des impératifs les plus pressants, de la mobilisation des ressources domestiques à la sécurité nationale. La promotion de l’utilisation plus étendue des données sur la propriété effective et l’encouragement de l’innovation est la prochaine étape vers une libération complète de l’impact potentiel de ce domaine de réforme. Pour y parvenir, les acteurs de la lutte contre la corruption doivent collaborer à la mise en œuvre de cinq recommandations :
- Créer des registres qui répondent aux besoins des utilisateurs : Plus de 120 juridictions se sont engagées à entreprendre des réformes favorisant une meilleure visibilité de la propriété des entreprises, y compris par le biais d’une adhésion à l’ITIE, mais moins de la moitié d’entre elles ont mis en œuvre leurs engagements. Pour libérer le plein potentiel des données sur la propriété effective afin de lutter contre la corruption, il est nécessaire que l’écart dans la mise en œuvre soit comblé et que les gouvernements donnent la priorité à une mise en œuvre efficace.
- Sensibiliser et renforcer les capacités d’utilisation des données : Un obstacle potentiel à l’élargissement de l’utilisation des données tient au manque de compréhension et de sensibilisation à la transparence de la propriété effective. Les gouvernements et la société civile devraient accroître la sensibilisation du public et renforcer les capacités des unités d’enquêtes financières, des forces de l’ordre, des entreprises et des journalistes à utiliser les données.
- Investir dans l’innovation : Le secteur privé, les journalistes et la société civile s’emploient à relier des informations sur la propriété effective à d’autres sources de données pour générer de nouvelles perspectives, des outils et des mécanismes d’alerte permettant de détecter et de prévenir la corruption. Il est nécessaire de soutenir davantage ces organisations, projets et individus innovants.
- Intégrer l’utilisation des données dans les processus existants et nouveaux : Étendre l’utilisation des données sur la propriété effective signifie qu’elles devraient être intégrées dans les processus existants. Les données devraient être utilisées dans des processus tels que la diligence raisonnable et la gestion des risques, et être exploitées pour intégrer la transparence dans des domaines politiques prioritaires, tels que la transition énergétique.
- Intégrer la durabilité dans les réformes : Une préoccupation clé pour de nombreux pays est de savoir comment financer des réformes et faire face aux coûts permanents liés à la tenue d’un registre central de la propriété effective. Les donateurs et les organisations internationales peuvent fournir un financement de démarrage pour les registres, ainsi que soutenir la recherche et encourager les échanges entre pairs pour générer de nouveaux apprentissages dans ce domaine. Les gouvernements peuvent donner la priorité à la création de données structurées dont l’automatisation est possible.
Qui en bénéficie ?
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