Skip to main content
Fallback image

Nigéria : cartographie d’un labyrinthe

Aussi complexe que vaste

Le secteur des hydrocarbures du Nigéria est en pleine restructuration, sous l’effet d’évolutions tant mondiales que nationales. Pionnier de l’ITIE à l’échelle internationale, l’ITIE Nigéria met depuis longtemps en lumière certaines fuites importantes dans le secteur, en particulier dans le cadre des transferts au sein du gouvernement et de la vente de pétrole brut. Elle a également proposé des réformes ambitieuses, dont plusieurs sont désormais mises en œuvre. D’autres aspects restent opaques, principalement en raison de l’opposition de certains des principaux acteurs à la divulgation de leurs modalités de fonctionnement.

« De nombreuses réformes actuelles dans le secteur des hydrocarbures au Nigéria – notamment l’élimination des échanges, l’examen des subventions aux carburants, la restructuration de l’entreprise pétrolière nationale, la révision des contrats et de la gestion des joint-ventures – ont été recommandées par les Rapports ITIE. Tout comme le recouvrement des 2,4 milliards de dollars US d’impôts et de redevances impayés, les opérations menées par l’ITIE Nigéria sont en passe de faire économiser aux Nigérians des dizaines de milliards de dollars grâce à une meilleure gestion du secteur du pétrole et du gaz. » - Orji Ogbonnaya Orji, ancien secrétaire général par intérim de l’ITIE Nigéria

Dans le cadre de ses efforts pour approfondir le processus ITIE au Nigéria et élargir le périmètre de sa mise en œuvre, l’Assemblée nationale du Nigéria a décidé d’organiser un débat télévisé ouvert et en direct sur le récent rapport de l’ITIE Nigéria, qui doit avoir lieu au Sénat prochainement. En vue du débat législatif, le Sénat a invité le secrétaire général de l’ITIE Nigéria à présenter les Rapports 2013.

Quels sujets évoquer ? 

Force…

Jusqu’aux récentes interruptions, qui ont diminué de près de la moitié la production en 2016, le Nigéria était le plus grand producteur de pétrole en Afrique (plus de 800 millions de barils produits en 2013). Son secteur gazier et pétrolier avait toutefois déjà amorcé une transformation, sous l’effet d’évolutions dans l’environnement national et international. Dopés par leur propre production du même type de pétrole brut léger et non corrosif, les États-Unis ont, depuis 2014, quasiment stoppé leurs importations de brut en provenance du Nigéria, alors qu’il s’agissait encore de leur cinquième plus grand fournisseur quatre ans auparavant. Les entreprises pétrolières internationales, autrefois dominantes, se sont progressivement retirées des joint-ventures en eaux profondes et peu profondes avec la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC) pour concentrer leurs nouveaux investissements sur l’exploitation pétrolière en eaux profondes en association avec des opérateurs locaux.

… et complexité

Malgré ses importantes réserves – plus de 37 millions de barils de pétrole et 180 tonnes de pieds cubes de gaz – le secteur peine à générer suffisamment de revenus pour permettre au pays de traiter ses autres difficultés, de Boko Haram à la rébellion dans le delta du Niger. Rien qu’en 2103, les recettes du gouvernement en provenance du secteur ont diminué de 8 % en raison des vols de pétrole brut, et ces pertes se sont accentuées depuis. La baisse du prix du pétrole a également eu un impact négatif. Parallèlement, les réformes globales du secteur, prévues dans un projet de loi sur l’industrie pétrolière en discussion depuis 10 ans, sont en suspens. Par conséquent, la NNPC, qui fait office à la fois de régulateur et d’opérateur à court de liquidités, a dû faire preuve d’ingéniosité dans ses modalités de financement et d’affinage, notamment en confiant le financement des dépenses de fonctionnement des joint-ventures à de tierces parties (« portage modifié »), en créant des alliances stratégiques pour des échanges brut-contre-carburant (« troc ») et en concluant des accords sur la transformation en mer (OPA). Le rapport le plus récent de l’ITIE Nigéria sur les hydrocarbures, qui couvre l’année 2013, souligne certaines incohérences dans les chiffres de la production effective de pétrole avancés par les différentes entités du gouvernement, telles que la NNPC, et les entreprises.  

Cartographie d’un labyrinthe

Le processus ITIE mené au Nigéria contribue à identifier certains domaines de réforme. Compte tenu de désaccords sur la méthode de détermination du prix de vente du pétrole brut, l’audit conduit en 2013 par l’ITIE Nigéria a mis à jour des sous-déclarations correspondant à près de 600 millions de dollars US en impôts dus au gouvernement fédéral (principalement l’impôt sur les bénéfices pétroliers), et ce pour l’année 2013 uniquement. L’ITIE Nigéria a également remis en question l’accord entre la NNPC et des opérateurs pétroliers pour l’échange de pétrole brut contre des produits raffinés, ainsi que l’accord conclu avec la raffinerie SIR en Côte d’Ivoire pour le traitement d’une partie du pétrole brut nigérian. Le report des pertes de la NNCP relatives à ces accords d’échange et aux OPA s’élevait à plus d’un demi-milliard de dollars rien que pour l’année 2013. En échange, le pays aurait dû recevoir davantage de produits raffinés. En outre, l’ITIE a constaté que la NNPC et ses filiales ne s’étaient pas acquittées d’un montant total de 3,8 milliards de dollars US auprès des autorités fédérales au titre de l’année 2013.

Bien qu’aucun appel d’offres n’ait été organisé depuis 2007, l’ITIE Nigéria s’inquiète de la manière dont certains contrats ont été attribués à la discrétion du ministère des Ressources pétrolières. Cela va de l’attribution discrétionnaire de blocs pétroliers par la NNPC à sa filiale, la Nigerian Petroleum Development Co (NPDC), à une série « d’alliances stratégiques » basées sur des accords complexes au titre desquels la NPDC attribue la gestion de certains blocs à des entreprises privées sans pour autant transférer les licences afférentes.

Étant donné le grand degré d’autonomie des gouvernements des États au sein de la fédération nigériane, les transferts liés à l’exploitation pétrolière en provenance du gouvernement central jouent un rôle central dans le financement des budgets infranationaux. L’ITIE avance le chiffre de 13 % pour quantifier la redistribution aux États producteurs de pétrole, toutefois ce montant n’a pas encore été confirmé.

Poursuivre sur cette lancée

Au-delà des progrès dans l’identification des domaines de réforme, il reste des lacunes dans les données. Par exemple, les termes des accords d’alliance stratégique ne sont pas explicités. En outre, l’absence d’une distinction claire entre les versements sociaux obligatoires et volontaires a contribué à entretenir la confusion entre les dépenses que les entreprises privées et d’État doivent faire, et leurs contributions volontaires. Le processus de déclaration de l’ITIE a également souligné l’absence de divulgation de la part d’importantes entreprises et entités gouvernementales.

La Validation, à laquelle doit prochainement se soumettre le Nigéria, apportera un diagnostic indépendant utile de ses efforts en vue de clarifier un secteur très opaque. Dans une certaine mesure, ces problèmes apparents ont été corrigés par des réformes intervenues l’année dernière : les accords d’alliance stratégique ont été annulés et les échanges renégociés en 2015 ; la NNPC a commencé à produire des rapports financiers de manière plus régulière, tandis que le gouvernement a annoncé son intention de la démanteler. La poursuite des efforts visant à intégrer davantage encore le processus ITIE dans les réformes du gouvernement sera un élément clé des préparatifs de la Validation.

Pays
Nigeria