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Un nouveau souffle pour l'ITIE ?

Un sentiment de soulagement pouvait se faire sentir dans les halls et corridors du centre de conférence de Sydney alors que la Conférence biannuelle de l'ITIE est arrivée à son terme le mois passé. La nouvelle Norme ne satisfait pas tout le monde, mais elle semble plus large et robuste que certains le prévoyaient.

En étendant sa portée, l'ITIE a des chances raisonnables de recouvrir son ancien rôle normatif qui a été éclipsé par la section 1504 de la loi Dodd Frank et de son équivalent européen. (Avec l'avancée continuelle des frontières de la transparence, les sociétés pétrolières devraient vraiment abandonner leur poursuite judiciaire sur la section 1504, qui rappelle de plus en plus la légende britannique du roi Canute qui, assis sur son trône près de la rive, avait sommé la marrée de ne pas monter.)

La norme offre une réponse crédible, du moins pour le moment, à la question qui plane sur l'ITIE depuis l'évaluation indépendante de 2011. Comme je le traite dans mon récent rapport réalisé dans le cadre de mon projet de recherche avec Open Society, la question qui se pose est de savoir : quel est l'objectif exact de l'ITIE, entre l'objectif restreint de publier des rapports et les aspirations très larges des Principes de l'ITIE ?

La réponse offerte par la Norme se situe au niveau de la nouvelle Exigence selon laquelle chaque Groupe multipartite doit associer les rapports ITIE « à des priorités nationales élargies dans le cadre des industries extractives ». En d'autres mots, les rapports pourraient devenir un outil pour évaluer à quel point ces priorités sont réalisées dans chaque pays et où se trouvent des obstacles. Il faudra plusieurs années pour que la Norme soit évaluée en profondeur. Mais en tant qu'ancien membre du Conseil d'administration de l'ITIE, j'aimerais mettre en évidence trois risques dont il faut se méfier d’ici là :

1. Cette nouvelle exigence signifie que pour la première fois, les Groupes multipartites doivent associer les rapports ITIE à d'autres problèmes de gouvernance et de politique dans leur pays. Cela constitue un grand pas en avant car il y a moins de risque à ce que la mise en œuvre ne se déroule de manière déconnectée que dans une petite bulle. Cela pourrait aussi aider à arrêter d'associer l'ITIE à la Conformité en tant qu'état final, mais de la considérer comme un catalyseur de rapports en vue d'améliorer continuellement la gouvernance et les ressources finales.

Mais le terme « priorité nationale » est ambigu et pourrait être interprété de façon très vague, que ce soit volontairement ou par malentendu, que la contribution de l'ITIE à ces objectifs plus larges ne peut pas être évaluée de manière significative. L'ITIE doit donc publier une note d'orientation invitant les Groupes multipartites à définir ces objectifs depuis les engagements nationaux existants – tels que les parties importantes des stratégies nationales en matière de développement, ou les obligations découlant de traités (comme ceux contre la corruption) - et de fixer des références mesurables que les Groupes multipartites, les validateurs et le Conseil peuvent utiliser pour évaluer la contribution plus large de l'ITIE.

2. Le « problème du passager clandestin » n'a pas disparu. Pour se protéger du risque de poudre aux yeux et de blanchiment, l'ITIE doit trouver une façon de faire la distinction entre les pays où son travail alimente des réformes plus larges, et les pays où son travail est un processus purement symbolique impliquant une poignée de personnes, qui semblent obtenir de grandes aides financières juste pour exister. L'ITIE ne peut être un stimulant pour améliorer la gouvernance que si elle reconnaît les cas où les réformes n'entrent pas en jeu.

Et il y a peu d'intérêt à travailler dur pour amener au sein de l'ITIE des pays qui ont un gouvernement hautement répressif car sans liberté de débats publics et d'assemblée, il y a fort à penser que ses rapports auront peu d'effet. Le mouvement de la société civile, en particulier, pourrait être amené à prendre des décisions difficiles pour savoir si le petit espace protégé au sein de l'ITIE offert à une poignée d'activistes dans des états répressifs a suffisamment de valeur pour justifier la légitimation que les initiatives confèrent à leurs gouvernements.

3. Cependant, le plus grand problème auquel est confronté l'ITIE pour le moment concerne la complexité pratique de l'application de la nouvelle norme à travers de nombreux pays. Les Groupes multipartites auront besoin de temps pour collecter tous les nouveaux types de données et consulter les priorités nationales auxquelles l'ITIE doit maintenant être liées. Mais si le Conseil d'administration laisse beaucoup plus de temps, et si le déclassement n'est pas une perspective sérieuse pour les traînards, l'ITIE 2.0 pourrait finalement ressembler à l'ITIE 1.0 – quelques Groupes multipartites fournissant de bons résultats suivis par une longue liste de pays où les rapports sont en retard et de fiabilité variable. Un certain degré de variation entre les pays est inévitable, et peut-être même nécessaire. Mais une telle variabilité au sein de l'ITIE lui ferait perdre de sa crédibilité - une initiative bruyante avec sa propre importance, mais plus décorative qu'utile.

Il faut reconnaître que lorsque les gouvernements sont réticents à l'idée d'entreprendre des réformes nécessaires mais douloureuses concernant la gouvernance des ressources naturelles, la publication de rapports ITIE risque de ne pas suffire pour les persuader. L'autre pouvoir dont dispose l'ITIE est d'entacher ou au contraire d'améliorer la réputation des gouvernements en évaluant la qualité de sa mise en œuvre. Ce pouvoir doit être utilisé plus activement par le Conseil d'administration de l'ITIE, comme cela est décrit dans mon rapport, afin de maximiser l'influence nécessairement limitée que l'ITIE peut avoir sur des questions approfondies et complexes de gouvernance.

La nouvelle Norme peut remettre l'ITIE sur le bon chemin, mais cela dépend beaucoup de l'énergie et de la rigueur avec lesquelles les Exigences sont appliquées. L'ITIE doit correspondre aux réalités nationales mais elle doit également être prête à soutenir des réformes nationales avec sa voix internationale et ne pas juste être une machine qui produit des données à tour de bras dans l'espoir que quelque chose en ressorte.

Diarmid O'Sullivan vient de terminer un projet de recherche en tant que membre d'Open Society sur l'ITIE. Il a aussi été Membre du Conseil d'administration de l'ITIE de 2009 à 2012, représentant Global Witness et le collège de la société civile.