Alors que le climat est à la violence et à l'incertitude politique, l'Irak annonce des niveaux de production et d'exportation de brut au plus haut depuis un an.
Selon les données de la Iraqi State Oil Marketing Organization (SOMO) au 9 août 2018, la production de brut en Irak a battu un record de 4,5 millions de barils par jour au mois de juillet. C'est le niveau de production le plus élevé des treize derniers mois. Les exportations de brut sont également au plus haut depuis janvier 2017 à 3,9 millions de barils par jour, soit une augmentation de 25 000 barils par jour depuis le mois dernier.
Les données de la SOMO comprennent les exportations du Gouvernement Régional du Kurdistan (KRG) par le port de Ceyhan sur la côte turque. Le Ministre du Pétrole a précédemment déclaré que les exportations totales des ports du Sud (KRG exclu) s'élevaient à 3,5 millions de barils par jour. Cela signifie que la SOMO estime les exportations du KRG à 242 000 barils par jour.
Augmentation de la production et des ventes de pétrole, augmentation des revenus
L'augmentation de la production a également vu une augmentation des prix du pétrole, résultant en une augmentation significative des revenus du gouvernement. Selon les données du Ministère du Pétrole, les revenus perçus de la vente de brut au premier semestre de cette année s'élèvent à 40,35 milliards de dollars US, soit une augmentation de près de 46% par rapport au 2e semestre 2017.
La divulgation systématique permet un aperçu des ventes de pétrole
Les données du gouvernement portant sur les exportations de brut (KRG exclu) pour les mois de juin et juillet montrent que le prix moyen du baril poursuit son ascencion, passant de 68,75 dollars US en juin à 69,16 dollars US en juillet. Les mêmes sources indiquent que les revenus des ventes de brut sont passés d'à peine 7,3 milliards de dollars US en juin à 7,6 milliards de dollars US en juillet. Les exportations mensuelles de l'Irak fédéral (KRG exclu) sont régulièrement publiées sur le site Internet de la SOMO, généralement avec un mois de décalage.
Les mouvements de protestation n'ont pas eu d'effet sur la production
Cette augmentation de la production et des exportations est constatée alors que de grandes parties du pays font face à des manifestations et contestations. Cela fait plus d'un mois que les irakiens descendent dans la rue pour exprimer leur mécontement: services de base de piètre qualité, corruption, chômage, reconstruction du pays trop lente après la guerre contre l'état islamique.
Les manifestations ont commencé le 8 juillet dans la région de Basrah, riche en pétrole et elles se sont rapidement étendues à d'autres régions du Sud. C'est la décision de l'Iran d'interrompre ses exportations d'électricité vers les provinces de Dhi Qar, Maysan et Basrah qui a déclenché les protestations. Cette interruption répond à des factures d'électricit impayées pour un montant d'à peu près 1 milliard de dollars US. L'Irak produisant 15 700 mégawatts/heure, le pays dépend de l'Iran pour répondre à une demande de 23 000 mégawatts/heure.
Incertitudes politiques en toile de fonds
Les contestations sont aussi alimentées par la déception suite au blocage politique après les élections parlementaires de mai 2018. Des accusations de fraude ont amené le parlement irakien à demander à ce que les voix soient recomptées. Le 9 août, la Haute Commission Electorale Indépendante (IHEC) a publié ses résultats. Elle note les difficultés rencontrées par la destruction des bulletins de la capitale dans un incendie quelques heures après que le parlement a demandé de recompter les voix. Les résultats publiés par l'IHEC n'ont pas réellement modifié les résultats d'origine et doivent être ratifiés par la Cour Suprême Fédérale. Les sources diplomatiques contactées par le Secrétariat international confirment que les négociations avant de parvenir à un nouveau gouvernement seront longues.
La répartition des revenus du pétrole à l'origine du conflit
Les grandes contestations ne sont pas rares pendant les mois d'été au cours desquels les températures moyennent avoisinent les 50 degrés et le réseau n'est pas en mesure de répondre à la demande. Les contestations ont été particulièrement virulentes dans la région de Basrah ainsi que dans d'autres provinces du Sud. Ce sont les provinces les plus pauvres du pays même si c'est là que se fait 70% de la production de brut. Cette région est épargnée par l'insécurité qui a suivi l'occupation par le groupe état islamique d'une grande partie du pays. Cependant 260 manifestations ont été organisées, traduisant le mécontentement vis-à-vis des entreprises pétrolières et du gouvernement central. Des missions de sabotage et des perturbations sociales ont été fréquentes durant l'année écoulée.
Une meilleure confiance et un soutien aux réformes dans le secteur devraient être la priorité
Le Conseil d'administration de l'ITIE, lors de son examen des progrès accomplis par l'Irak dans la mise en oeuvre de la Norme ITIE, a souligné plusieurs domaines prioritaires, dont l'amélioration des divulgations sur la répartition des revenus extractifs et les transferts infranationaux. Le Conseil d'administration note dans sa décision "qu’une transition complète vers la Norme ITIE aiderait à répondre à la forte demande d’informations dont a besoin le débat politique en Irak, notamment pour clarifier le cadre juridique et les conditions fiscales du secteur, la relation entre les entreprises publiques, et les transferts gouvernementaux et infranationaux. Les consultations entre les parties prenantes... ont encore une fois montré que l’ITIE a le potentiel de contribuer activement au programme de réforme du gouvernement."
Eddie Rich, directeur exécutif ad interim de l'ITIE a expliqué comment le gouvernement irakien pourrait utiliser la plateforme ITIE pour améliorer la confiance entre les parties prenantes et soutenir les réformes. "En divulgant systématiquement l'information pertinente au débat politique comme par exemple la quantité de pétrole produite, exportée, vendue et utilisée au niveau national pour produire de l'électricité, l'ITIE pourrait contribuer à informer le débat et renforcer l'action de la classe politique et des citoyens."
L'ITIE est la norme mondiale pour la transparence et la bonne gouvernance des industries extractives. L'Irak met en oeuvre l'ITIE depuis 2012 et fait figure de pionnier dans la réconciliation des revenus provenant des ventes de pétrole. L'Irak a fait l'objet d'une Validation en 2017 et a été suspendu par le Conseil d'administration pour avoir fait des progrès inadéquats dans la mise en oeuvre de la Norme ITIE. La Validation est le processus d'assurance qualité indépendant de l'ITIE. La prochaine Validation de l'Irak est prévue pour le 26 avril 2019.